SDF...
Datte: 20/08/2020,
Catégories:
fh,
hplusag,
frousses,
rousseurs,
inconnu,
jardin,
collection,
volupté,
init,
Auteur: Jeff, Source: Revebebe
... du quai se trouve un petit café parisien. Sur sa vitrine, au blanc d’Espagne et en lettres bâton, le patron a inscrit " Ici, soupe à toute heure… ". Attendant que le flot des voitures me permette de traverser, je contemple cette accroche, le regard pensif, l’esprit ailleurs et, dès que je le peux, je traverse et pousse la porte de l’estaminet de façon impulsive.
Malheureusement il n’y a plus de soupe, seulement du Viandox. Tant pis, je commande un bol de Viandox brûlant et retourne vers elle.
En me voyant revenir, mon bol à la main, elle me fait quand même un sourire.
Je ne sais pas trop comment l’interpréter, ce sourire : moquerie ou alors "v’là le casse-pieds qui s’ramène… " Et il me faut parlementer pour lui faire accepter de le boire. Enfin, elle sort les mains de son sac.
Des mains sales, aux ongles écornés, noirs, aux doigts enserrés dans des mitaines dépareillées. Avec un léger tremblement, les deux mains s’emparent du bol et elle boit le breuvage avec avidité, presque d’une traite. Quand elle me rend le bol, il me semble que sa figure, déjà très pâle, est encore plus blême. Elle a un haut-le-cœur, se lève avec brusquerie, s’extrait de son sac et se jette sur le bord du canal pour vomir…
Pendant qu’elle buvait, je m’étais accroupi près d’elle, silencieusement. Sa précipitation me surprend, mais ce qui m’étonne surtout c’est sa tenue.
Son buste est couvert d’un gros pull-over à col roulé et d’une vieille doudoune de l’armée. Quand elle s’arrache de son ...
... sac, je découvre avec effarement, qu’elle n’a sur elle, en tout et pour tout, qu’un string ! Pas de pantalon, pas de chaussettes. Deux jambes maigres d’une blancheur presque cadavérique sous une paire de fesses plates.
Pliée en deux au-dessus de l’eau, les fesses à l’air, elle continue à vomir.
Avec un retard dû la surprise de cette tenue plus que légère, j’arrive à me relever. Je me dirige vers elle pour l’aider, comme je le fais avec mes filles quand elles sont malades… Tenir le front, soutenir de la voix, aider psychologiquement par quelques paroles réconfortantes… bref, le minimum d’humanité en pareil cas. Son premier geste est pour me repousser mais, très vite, l’une de ses mains agrippe mon bras, s’y accroche et devient même pesante.
Elle tremble de tout son être. Est-ce le froid qui la surprend ? Est-ce une réaction due à son haut-le-cœur ? Ma main frotte instinctivement son dos, comme si elle pouvait la réchauffer tout entière. Mais elle ne fait aucun geste montrant qu’elle la gêne. Maintenant, elle grelotte. Et ma main descend pour frotter ses cuisses, ses mollets nus. Sa peau est rêche et glacée. Ses muscles semblent flasques, sans réaction.
Elle est toujours penchée en avant, les orteils au ras du quai sont crispés sur le rebord des pierres légèrement humides, glissantes et certainement glacées. Elle finit par reprendre son souffle, sa main toujours accrochée à mon bras. Enfin, après quelques secondes, elle commence à relever la tête.
— Ça va aller… ...