1. L'ange aux yeux tristes


    Datte: 10/08/2020, Catégories: fh, hplusag, amour, Partouze / Groupe poésie, policier, Auteur: Calpurnia, Source: Revebebe

    C’est dans une petite ville du centre de la France,
    
    Au bord d’une autoroute, point de passage de la grande transhumance.
    
    Mais personne ne s’arrête plus de dix minutes sur l’aire de repos voisine.
    
    Lui, Bernard, quarante-deux ans, avait une épouse et un fils, et travaillait comme technicien dans une usine.
    
    Sa vie était douce et plongée dans une sorte d’insouciante torpeur.
    
    Jusqu’à cette nuit de stupeur.
    
    Il a perdu sa famille et sa maison et sa raison, en quelques minutes.
    
    Moins d’une heure d’une interminable chute.
    
    Marion est professeur des écoles et pompier volontaire.
    
    Volontaire : cela résume son caractère.
    
    L’endurance physique d’un corps menu
    
    Vingt-trois ans, un regard faussement ingénu
    
    Les yeux d’un ange triste
    
    À cause de la longue liste
    
    De celles et ceux qu’elle a perdu
    
    Lorsque la mort a pris son dû.
    
    Elle est capable de marcher longtemps, suer, marcher encore,
    
    Transpirer de tous ses pores
    
    Et de sourire malgré tout.
    
    Tous sont séduits : c’est son atout.
    
    Mais la belle ne se donne à personne.
    
    Nul ne la prend, ne s’enjuponne
    
    Autour de ses grands yeux mélancoliques et doux.
    
    Jusqu’à cette nuit de juillet
    
    Odeurs de barbecue et de poulet grillé.
    
    Dans les rues, un parfum de vacances
    
    Plus que quelques jours de patience.
    
    Soudain un gyrophare déchire la nuit.
    
    Éclats de voix, ordres donnés, beaucoup de bruit.
    
    Le pavillon de Bernard est livré aux flammes ;
    
    Très vite, la tragédie se trame :
    
    Une ...
    ... cigarette mal éteinte, un cendrier renversé ?
    
    Les habitants du quartier sortent de chez eux, pour assister, bouleversés
    
    Au combat désespéré des soldats du feu contre les flammes
    
    Qui retiennent deux prisonniers : un enfant et une dame.
    
    La lune regarde la scène et sa face affiche un œil mauvais.
    
    Elle a voulu cela, ou bien a délibérément laissé faire ce qui est arrivé.
    
    Cruelle.
    
    Vengeance mortelle.
    
    Il ne fallait pas la fouler aux pieds, quarante ans plus tôt exactement.
    
    Il ne fallait pas la défier ouvertement.
    
    Avant, Bernard aimait le vent d’été, la nuit, quand la journée avait été caniculaire.
    
    Il appréciait la brise et le disque blanc qui éclaire.
    
    Mais les bourrasques d’un orage sec ont attisé les flammes, et il ne reste plus rien de sa maison.
    
    Ni de sa femme, ni de son fils. Il est perdu dans la déraison.
    
    Maudites rafales.
    
    Hagard, sur le bitume du trottoir, il s’affale.
    
    Marion vient lui porter un café, le réconforter.
    
    Elle se sent de taille à le porter.
    
    Pour elle, c’est un échec terrible.
    
    Bien sûr, elle se savait faillible.
    
    Mais sa vocation c’est sauver ou périr.
    
    Elle vit, et n’est pas parvenue à secourir.
    
    Deux corps livrés aux civières couvertes.
    
    Calcinés. Inertes.
    
    Avant de repartir dans la nuit en silence, sans sirène ni gyrophare.
    
    L’esprit de Bernard s’égare.
    
    Pour lui, c’est trop souffrir.
    
    Il veut mourir.
    
    Marion l’a accueilli pour la nuit seulement, dit-elle.
    
    Chez elle : recueilli sous son ...
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