La Tour d'Ivoire
Datte: 02/08/2020,
Catégories:
nonéro,
policier,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... regard ardoisé.
— Liana… Vous êtes plus forte que ça. Est-ce vraiment ce qui vous désespère ? Qu’un homme vous ait quitté ?
Silence. Tic-tac de la pendule. Liana sortit soudain une autre cigarette de son paquet et l’alluma d’un air faussement négligé. Tomaze regarda ses mains. Elles tremblaient imperceptiblement.
— Non, fit-elle doucement, baissant la voix, sans regarder son vis-à-vis.
— Non ? Non, quoi ? insista Tomaze.
— Non, ce n’est pas vraiment ça, dit-elle d’une voix encore plus basse. Disons que c’est cela… et autre chose.
Sa voix s’éteignit dans un sanglot, et elle mit ses mains devant son visage, pendant un très long moment. M. Tomaze ne dit rien, ne fit rien, attendant qu’elle retrouve son calme. Quand elle prit une profonde inspiration, il effleura son bras d’une main douce. Aussitôt, elle tressaillit et le dévisagea. Elle n’avait pas pleuré. Les larmes étaient toujours là, bien fixées à ses prunelles.
— Liana, dit-il d’une voix posée. Beaucoup de gens passent par ce chemin, croyez-moi. Un événement très douloureux, traumatisant, vous hante. Je le vois bien. Mais le temps… le temps arrange tout, vous savez. Si quelqu’un en est la cause, sachez que la vie se chargera de le lui faire payer.
Elle baissa les yeux sur la nappe, le visage mélancolique. Elle semblait déjà regretter de s’être laissé emporter par ses sentiments devant lui.
— Vous en êtes sûr ? demanda-t-elle enfin, dans un murmure douloureux.
M. Tomaze eut un nouveau sourire, ...
... dépourvu de joie.
— Bien sûr que j’en suis sûr. On paye ses dettes. C’est ainsi. C’est la règle.
Troublé par ses propres paroles, M. Tomaze se leva, prit sa tasse et la porta jusqu’à l’évier.
— On dirait que vous parlez pour vous, Tomaze, dit Liana dans son dos.
Il rinça la tasse, l’égoutta et se mit à l’essuyer avec un torchon, essayant en même temps de reprendre une contenance.
— Tomaze ? insista Liana.
Il lui lança un coup d’œil par-dessus son épaule. Elle était tournée vers lui. Son visage était redevenu aussi lisse qu’un miroir.
— C’est vrai que vous ne m’aimez pas ? demanda-t-elle anxieusement.
Il ne répondit rien, mais se dit qu’elle avait dû lire son soulagement dans ses yeux. Ce qu’il adorait chez cette petite, c’était la façon — souvent providentielle — qu’elle avait de détourner les conversations difficiles…
Il était dix heures, mais la chaleur était déjà là. Liana marchait à côté de M. Tomaze. Ils étaient sur le chemin du bureau de l’écrivain. Elle lui parlait de ses dessins, de leur réalisation.
— Tenez, le tableau de la tempête en mer, vous vous en souvenez ? (Tomaze eut un hochement d’assentiment.) Je l’ai peint en pleine lumière, je crois qu’il était midi. J’étais sur la côte de Royan. Vous aimez cette ville ?
— Je ne sais pas. Je n’y suis jamais allé.
— Il y a une multitude de pins là-bas, qui bordent tout le littoral. J’adore ces arbres. Enfin, pour revenir au tableau, je l’ai peint en pleine lumière parce qu’il exprimait quelque ...