1. La Tour d'Ivoire


    Datte: 02/08/2020, Catégories: nonéro, policier, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... la culture, et pas mal de perspicacité.
    
    Il ignorait qui l’avait mise dans cet état ; mais il était prêt à parier que le squelette d’un petit ami inconséquent pourrissait quelque part dans un placard de son esprit.
    
    — Pourquoi vous me regardez comme ça ? demanda Liana avec circonspection.
    
    Il eut un sourire presque naturel.
    
    — Pour rien. Je me disais seulement… que vous étiez très courageuse.
    
    Elle pencha un peu la tête sur le côté, comme si elle était surprise mais sans vraiment l’être. Puis elle sortit une cigarette de sa poche, et l’alluma. Il voulut parler, mais le regard qu’elle lui lança, à travers la fumée bleue, l’en dissuada facilement.
    
    — Comme vous pouvez le constater, mon courage ne va jamais bien loin, rétorqua-t-elle avec humeur.
    
    Il soupira.
    
    — Ne confondez pas la volonté avec le courage Liana. L’un est rationnel, l’autre pas. Le courage, ce n’est pas une chose consciente. Il nous vient un peu n’importe comment, il nous transforme, il nous blinde. C’est une force, oui, mais qu’on ne possède pas aussi facilement. Nous la puisons de l’intérieur. Et on ne peut jamais prédire le moment où on va la ressentir, comme le moment où elle va nous faire défaut.
    
    Elle exhala un long nuage de fumée, gardant le silence. Ses yeux brillaient, mais sans signification particulière.
    
    — Je vous aime bien, Tomaze, annonça-t-elle alors, après un très grand moment.
    
    L’homme en question eut à peine un frémissement de paupières.
    
    — Et puis-je vous demander ...
    ... pourquoi ? demanda-t-il.
    — Marrant, vous êtes beaucoup plus aimable, d’un seul coup. Mais je vais quand même vous le dire : parce que vous avez toujours de grands mots pour ces putains de sentiments qui nous engluent dans notre merde quotidienne ! C’est ça que j’aime bien chez vous.
    
    L’écrivain ne put contenir un rire désobligeant.
    
    — Et vous savez pourquoi je ne vous aime pas, moi ? répliqua-t-il.
    
    Il était sérieux, soudain. Elle haussa les épaules.
    
    — Je ne vous aime pas pour ce putain de vocabulaire que vous employez !
    
    Et il éclata à nouveau de rire. Elle ne participa pas à son allégresse.
    
    — J’ai été plaquée, Tomaze.
    
    Le silence qui suivit cette confidence fut à peine troublé par le ronronnement du réfrigérateur. Liana but une gorgée de café, jeta un coup d’œil sur M. Tomaze, puis chercha des yeux un cendrier. Il y en avait un sur le bord de l’évier, et elle alla y écraser son mégot. Quant à M. Tomaze, il avait refoulé à grand-peine son envie de se taper une main sur la cuisse en criant :
    
    — Je le savais ! d’un air victorieux.
    
    Au lieu de ça, il poussa un autre soupir, encore plus las que d’habitude.
    
    — Je m’en doutais. Ça fait longtemps ?
    — Oui. Quatre mois.
    
    Elle s’assit à nouveau devant lui. Les pieds de la chaise raclèrent contre le carrelage.
    
    — Ce n’est pas si long.
    — Tout est relatif…
    — Je m’en doutais, répéta M. Tomaze.
    
    Il l’observa attentivement. Elle le fixait jusqu’au fond des yeux sans lui cacher les larmes qui venaient d’embuer son ...
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