1. La Tour d'Ivoire


    Datte: 02/08/2020, Catégories: nonéro, policier, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... oui ! s’exclama-t-elle avec aigreur. Eh bien, je m’en contrefiche ! Vous n’êtes rien pour moi ! Si vous croyez que votre avis m’intéresse !
    — Et vous, que croyez-vous être pour moi ? rétorqua-t-il. Absolument rien ! Mais je vous donne un dernier conseil : vivez-la, votre vie, merde ! Affrontez les obstacles, trouvez votre chemin ! Et cessez de fuir devant le danger ! Ne croyez-vous pas que la vie serait bien plus excitante comme ça ?
    
    Liana ne répondit pas. Elle avait raccroché. Avec tant de fureur que l’oreille droite de Tomaze se boucha.
    
    C’est ce qu’il s’empressa de faire à son tour, avec une violence qui lui laissa un goût amer. Il n’avait rencontré cette fille que quatre fois dans sa vie. Pourquoi lui avait-il octroyé autant d’importance ? Pourquoi pensait-il si souvent à elle ? En temps normal, il se serait fait un plaisir de l’éjecter de sa vie à la vitesse de la lumière ! Alors pourquoi s’était-il mis dans la tête qu’elle était différente ?
    
    Il contempla vainement le téléphone, tout en rongeant son frein. Elle ne rappellerait pas. C’était sûr, c’était logique, et c’était surtout douloureux. Quelle mouche l’avait donc piquée ? Que s’était-il passé entre ce matin et le moment où elle avait décidé de couper les ponts avec lui ? Avait-elleréellement reçu des menaces ?
    
    Instantanément, il leva les yeux sur l’enveloppe blanche qui trônait au milieu de son bureau, comme négligemment posée là.
    
    Qui s’amusait à leur coller une peur bleue ? Qu’est-ce qu’on avait ...
    ... bien pu lui raconter à son sujet ? Tomaze craignait de le découvrir…
    
    Il regarda encore le téléphone, sans pouvoir s’en empêcher.
    
    Et puis une autre idée, tout aussi désagréable, vint se glisser dans son esprit. Le journal. Comment pourrait-il espérer le récupérer, maintenant que Liana lui avait intimé l’ordre de ne plus s’approcher d’elle ?
    
    Il ne pouvait plus le lui laisser. Il devenait évident que c’était le journal de Diana. Et Diana ne devait pas entrer dans la vie de Liana. À aucun prix.
    
    Pourquoi, il n’en savait trop rien.
    
    Il se leva, marcha de long en large dans son bureau, se repassant sans cesse à l’esprit leur conversation. Puis le bruit d’un téléphone qu’on raccroche avec rage. Toujours les mêmes mots, toujours le même bruit.
    
    Et d’un seul coup, ses pensées dérivèrent, plongèrent ; il se souvint d’elle, de ses longs cheveux bruns, de ses yeux d’ange. Et de son rire. Ce long rire, saccadé et un peu nerveux, comme dans un éternel écho de sa propre souffrance. Tomaze s’arrêta brusquement, ferma les yeux. Le même rire, au bout de vingt ans, les mêmes images, la même évocation, trop intense, d’une autre vie ; celle qu’il croyait avoir enterrée à jamais. Mais les vingt années étaient bien réelles. La douleur revenait, toujours, en rythme.
    
    À chaque fois qu’il souffrait, qu’il se sentait blessé par la vie, c’est ce rire qu’il entendait, et il revoyait toujours les cheveux bruns volant dans le ciel bleu, les yeux rieurs, la bouche éclatante de vie, et le rire… ...
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