1. Toute une vie


    Datte: 19/07/2020, Catégories: ff, amour, volupté, mélo, Auteur: Ortrud, Source: Revebebe

    ... lapin, vous voulez le manger avec nous ?
    — Thérèse, je ne sais pas quoi vous dire, mais oui bien sûr.
    
    Et la guerre s’effondra.
    
    Thérèse et Julia parlaient, elles riaient souvent, et les jours de grand vent d’hiver, quand le mistral glaçait tout, sifflait sous les fenêtres, et faisait battre les portes dans leur chambranle elles restaient près de la cuisinière en cajolant Louise emmitouflée comme un Saint-Jean. Julia quittait vite son uniforme en arrivant et quelquefois, dans un envol de sa robe chatoyante, Thérèse apercevait en rougissant, un éclair blanc de lingerie et une peau nacrée.
    
    Maintenant, quand Julia partait, Thérèse la regardait depuis le pas de la porte et faisait même un petit signe de la main « à ce soir », disait la main. « À ce soir » disait le gant de cuir noir. Et Thérèse rêvait, en pédalant sur les chemins de terre.
    
    — Alors, ta Boche, elle t’embête pas trop ?
    — Non, c’est pas une mauvaise, et puis Louise l’aime bien.
    — Fais attention, Thérèse, qu’elle l’empoisonne pas avec du chocolat, ne lui fais pas manger du chocolat allemand, on raconte des choses terribles là-dessus.
    — Vous savez, M. Esperandieu, il y en a beaucoup qui font des affaires avec eux.
    — Je sais, ma petite, je sais, mais ils nous tuent quand même nos fils. À ce propos, il faudrait peut-être que tu penses à avoir un homme à la maison, tu voudrais pas te marier, le jeune Fabre, tu sais, le fils de Francis, je crois qu’il te regarde et ça ferait un papa pour Louise.
    — C’est ...
    ... gentil, mais j’ai pas le temps d’y penser, vous savez, le soir, j’étudie le droit, après la guerre, je voudrais être avocate.
    — Tu as du courage mais, quand même, le droit et la guerre ça fait pas la paire. Et puis, une fille seule, ça fait parler.
    
    Une fille seule, mais Thérèse ne se sentait pas seule, elle avait Louise, elle avait ses livres, elle avait son jardin de terre et son jardin… dans le cœur.
    
    « Mais qu’est-ce que tu racontes ma pauvre fille, tu es folle, allez, en route, il faut encore cueillir du cresson à la fontaine… s’il en reste ».
    
    Ce soir-là, Thérèse n’attendit pas Julia, elle se coucha vite, comme en fuyant, sans étudier et écouta les pas dans l’escalier de tilleul, c’est un bois qui ne grince pas, il ne parasite pas le sens de l’appui du corps, il fléchit sans parler, il laisse parler.
    
    Le cœur battant, elle écoutait, et, sans qu’elle s’en aperçût, ses mains se mirent sur sa poitrine où elles rencontrèrent ses seins. En s’y attardant, bougeant à peine, elle les fit rouler, crispant tout le reste du corps, longtemps. Ses frémissements trouvaient un sens dans les pas de Julia qui devait être en train de se déshabiller. « Julia se déshabille », chuchotait Thérèse. Son esprit ne lui appartenait plus, sevrée d’amour, elle n’avait jamais senti de désir la fouailler ; tout juste si, au moment de ses toilettes intimes, elle aimait suivre d’un doigt le dessin de sa vulve.
    
    Elle froisse sa chemise de nuit pour ne pas dire qu’elle la remonte et ne se ...
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