Balade en ville - Histoires de Sexe

Balade en ville

... qui n’allait pas et je compris au travers de ses simagrées qu’elle éprouvait pour la première fois la sensation de la nourriture qui descendait dans son ventre. Je parvins à l’apaiser, mais Juliette poussa à son tour un vilain rot sonore, qu’elle commenta ensuite :

— Ce bruit est-il inquiétant ?

Je leur expliquai à voix basse qu’on ne devait pas faire ce genre de bruit en société, qu’on ne devait pas parler fort et qu’on devait éviter d’attirer trop l’attention sur nous. Mais c’était déjà trop tard : un gradé en costard nous approcha soudain et nous gratifia d’un sourire forcé :

— Mesdames, monsieur, voudriez-vous peut-être terminer votre repas dans un endroit plus calme et isolé ?

Les mots ‘calme et isolé’ éveillèrent en Juliette un proche souvenir :

— Oui, ainsi nous pourrons même nous accoupler sans importuner quiconque !
— Ne l’écoutez pas ! tempérai-je en transpirant. Elle plaisante… Veuillez nous excuser, monsieur. Je crois que le mieux est que nous partions maintenant. Je viens vous régler tout de suite.
— Suivez-moi, je vous en prie, soupira-t-il, soulagé.

En l’accompagnant jusqu’au desk, je gardai un œil sur mes deux animaux de compagnie. J’étais tracassé par la pâleur extrême du visage d’Éloïse qui n’avait pas dit un mot depuis son éructation. Sans cesser de ...

... l’observer, je tendis au loufiat ma carte bleue et composai machinalement le code. Il me remercia en me la rendant accompagnée d’une facture. Mais trop tard !

Dans un grand bruit de chasse d’eau qui se vide, Éloïse renvoya par terre presque tels qu’ils étaient dans son assiette le poisson et ses petits légumes vapeur, étalant en plein milieu du restaurant une vaste galette odorante.

Je vins rapidement vers elle lui tendre des serviettes pour s’essuyer la bouche ; elle ne comprenait pas ce qui lui était arrivé. J’essayai de la rassurer en lui promettant que ce n’était pas grave, que c’était très bon mais qu’elle n’était pas habituée à manger et qu’on allait maintenant se reposer.

Le gradé en costume vint prendre de ses nouvelles (et sans doute la maudire tacitement) :

— Est-ce que ça va, mademoiselle ?
— Oui, répondit-elle. Ce n’est pas grave ; c’était très bon, mais je ne suis pas habituée à manger et maintenant on va se reposer.

Inquiet, il leva les yeux vers moi :

— Vous voulez que j’appelle un médecin ?
— Non, non, c’est bon, on y va. Désolé encore.

Je poussai mes deux invitées vers la sortie.

— Au revoir et merci ! fit courageusement Éloïse.
— Eh bien, au plaisir ! ajouta Juliette.

Et nous partîmes affronter les distractions que j’avais programmées pour l’après-midi.