L'Histoire de la Femme qui Valait Onze Vaches
Datte: 06/07/2020,
Catégories:
conte,
Auteur: Alain Garic, Source: Revebebe
... Sahidi, l’invita Daha, sache que tu es ici dans la maison d’un ami. Assieds-toi et commence par te restaurer, qu’il ne soit pas dit que Daha laisse mourir ses invités de faim. Je vais te faire porter du fromage de chèvre et un reste d’agneau. Quand tu auras pris soin des besoins de ton corps, je réunirai ma famille et les saisonniers que j’héberge aujourd’hui, afin qu’à ton tour tu nourrisses nos âmes.
Bien qu’il fût affamé, Sahidi fit l’effort de ne pas se jeter sur la nourriture comme ces goélands qu’il avait vus manger n’importe quoi et n’importe comment. Tout dans cette maison respirait et la sagesse et la sérénité. Sahidi ne voulait pas paraître manquer d’éducation. Quand il eut terminé, une servante débarrassa la table. Daha revint alors, accompagné d’un couple de vieillards qui partageaient les traits dont le visage de l’hôte avait manifestement hérité.
— Sahidi, déclara-t-il, fais la connaissance de mes parents, qui désirent entendre les histoires anciennes du temps de leur enfance. Je les ai assurés que tu saurais les satisfaire car, sans t’avoir entendu chanter, je te devine sensé et sensible. Ce sont deux qualités complémentaires que j’apprécie chez un artiste.
Puis, s’adressant à la servante, il ajouta :
— Slema. Quand tu auras fini, demande à Daliésa de vouloir nous rejoindre.
Les deux vieillards prirent place sur de larges coussins, bientôt rejoins par un groupe de quatre hommes travaillant pour Daha et des trois enfants de celui-ci, un garçon et ...
... deux filles d’entre dix et quinze ans. Sahidi, en attendant que ce petit monde s’installe, accorda son instrument et prépara mentalement l’ordre de ses chansons pour séduire l’auditoire. Il prévit de commencer par une légende classique pour d’abord rendre hommage aux anciens, puis d’enchaîner peut-être avec des mélodies plus légères qui charmeraient les jeunes. Mais à l’instant suivant, son cœur cessa de battre. Daliésa était là.
La beauté de la femme qui venait d’apparaître dépassait l’entendement, illuminait la pièce. Sa peau semblait plus fine et douce que la soie, ses lèvres avaient l’éclat d’une rose nouvelle, ses yeux la couleur d’un lac de montagne et les reflets du diamant. Son regard dominait et élevait en même temps tout ce sur quoi il daignait se poser, y compris Sahidi. Ses mains étaient légères comme deux oiseaux. À chacun de ses pas, ses pieds frôlaient le sol sans même s’y poser. Elle avançait céleste, divine et hors du temps. Les voiles qui couvraient sa poitrine et ses longues jambes, ainsi que les bijoux ornant son front, sa gorge et ses poignets, ne semblaient merveilleux que parce qu’ils étaient portés par elle, bien qu’ils fussent ouvragés avec un talent rare, et de nobles matières. Sa voix tinta comme le cristal et Sahidi fut touché par la grâce quand elle prononça son nom.
— Sahidi, déclara-t-elle aimablement, sois le bienvenu dans notre demeure. Puisse notre hospitalité t’être agréable et tes talents nous divertir ce soir, pour ton plaisir autant ...