L'Histoire de la Femme qui Valait Onze Vaches
Datte: 06/07/2020,
Catégories:
conte,
Auteur: Alain Garic, Source: Revebebe
Vous connaissez l’histoire de la femme qui valait onze vaches ? Mon grand-père me la racontait quand j’étais petit. Pour situer l’action, ça se passait dans un pays lointain, il y a très longtemps. Ce n’est pas très précis, je sais, mais est-ce cela l’important ?
Toujours est-il que Sahidi était un vagabond. Enfin, les gens disaient de lui qu’il était vagabond, parce qu’il n’avait pas de pays. Il arpentait donc ceux des autres, en particulier celui-ci, allant de village en village, et colportait au passage les nouvelles récentes ainsi que les histoires plus anciennes des hommes et des dieux, s’accompagnant parfois d’un curieux petit instrument à cordes. Les gens de bonne volonté lui accordaient aisément l’hospitalité, parfois le gîte et le couvert, en échange de contes et de chansons le temps d’une veillée, car il y avait peu de choses à faire de ses soirées dans ce pays lointain d’il y a très longtemps. Quand cela était souhaité, il pouvait également participer aux travaux du domaine ou des champs, et gagner ainsi quelques piécettes qui lui permettraient de voyager encore.
Un jour, Sahidi fit escale dans une grande ville. Toujours curieux d’ouïr de nouvelles légendes ou de simples faits divers qui lui inspireraient une ballade originale, il se rendit au marché, car tout le monde sait que c’est au marché que les ragots circulent et que l’on peut apprendre le plus de choses sur les habitants d’une ville. Comme souvent dans ce pays lointain d’il y a très longtemps, entre ...
... les échoppes et les étals des commerçants, on trouvait sur ce marché de petits espaces ombragés où les hommes des villages environnants, assis sur de simples tapis, se réunissaient pour jouer aux dés ou aux osselets, fumer de longues pipes en os ou tout bonnement parler de leurs tracas, de leurs peines et de leurs joies, en sirotant des boissons rafraîchissantes ou aromatisées. Après s’être déchaussé, Sahidi pénétra dans un de ces endroits dans l’espoir que quelques chansons lui permettraient d’obtenir des autres clients une tasse de thé épicé, voire même un peu d’argent.
Il ne fut pas déçu. Ses prestations étaient généralement appréciées. Sa première chanson était une sorte de plaisanterie l’excusant pour son habillement rapiécé et annonçant avec humour qu’il n’avait pas d’argent du tout. Une fois le ton donné et le public acquis, il enchaîna comme d’habitude les récits plus ou moins véridiques et les chansons émouvantes ou drôles, insinuant parfois entre deux mélodies que sa gorge était sèche ou son esprit trop clair, pour qu’on lui offre un verre ou qu’on le laisse tirer sur une de ces pipes qui sentaient si bon.
Or, c’est un fait établi, dès que l’on raconte à des villageois une histoire extraordinaire mais qui semble vraie, il s’en trouve toujours un ou deux dans le groupe pour affirmer que dans son village à lui, il s’est passé quelque chose d’encore plus extraordinaire. Les habitants de ce pays lointain d’il y a très longtemps n’échappaient pas à cette règle, au ...