L'Histoire de la Femme qui Valait Onze Vaches
Datte: 06/07/2020,
Catégories:
conte,
Auteur: Alain Garic, Source: Revebebe
... assistance, Sahidi prit congé des hommes assemblés et sortit du marché en direction du Nord. Aux portes de la ville, il huma l’air léger du début du printemps, mit son pied sur la route et son nez face au vent.
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Implantés sur les flancs d’une colline piquetée d’oliviers, que caressait en biais un rayon de soleil, les quatre bâtiments de la ferme Daha surplombaient une vallée qu’un ruisseau sinueux scindait en son milieu, garantissant la vie et la prospérité des habitants du lieu. Un chemin serpentait jusqu’aux habitations, ruban de terre sèche marqué par le passage de nombreuses charrettes et d’encore plus de pieds.
Quand Sahidi frappa à la large porte du mur d’enceinte, un valet de ferme lui ouvrit. Sahidi se présenta comme un voyageur égaré à qui des voisins rencontrés au marché avaient recommandé l’hospitalité du seigneur Daha. Comme d’habitude, en désignant son instrument qu’il portait en bandoulière, il précisa qu’il était musicien et conteur, et proposa de divertir la maisonnée par ses talents si tel était le souhait du maître de ces lieux. Le valet pria d’abord Sahidi de patienter à l’extérieur, puis revint quelques instants plus tard en annonçant que le seigneur Daha l’hébergerait pour la nuit.
Sahidi suivit l’homme au travers de la cour où l’on avait planté quatre jeunes orangers. Ils contournèrent l’étable et le voyageur découvrit le corps de ferme, vaste bâtisse blanche devant laquelle Daha en personne l’attendait pour l’accueillir. ...
... L’homme était grand mais sans excès et large d’épaules sans être massif pour autant. Son visage accusait plus de quarante étés passés sous le soleil de ce pays lointain d’il y a très longtemps. Il portait une robe blanche, nouée à la ceinture, faite dans une étoffe de noble qualité et qui contrastait fort bien avec son teint mat et tanné. La main qu’il tendit à Sahidi avait la force de ceux qui sont rompus aux durs travaux des champs et la fermeté d’un homme habitué à diriger les autres. Le regard de Daha brillait d’une sagesse que seul un long contact avec les éléments permet d’obtenir, mélange de puissance et de fatalité, d’intelligence et d’humilité, qui rend capable à la fois de commander la nature quand on le peut et de lui obéir quand il le faut. Son accueil fut cordial par respect des traditions, mais son sourire sincère. L’usage n’en demandait pas tant. Passées les présentations formelles, Daha invita Sahidi à le suivre vers l’intérieur.
La pièce centrale s’étendait sur trois demi-niveaux reliés entre eux par des volées de quatre marches. Le mobilier, à la fois sobre et élégant, témoignait de goûts simples mais affirmés, et les fins entrelacs ajourant les fenêtres conféraient à la pièce cette qualité rare, propre à ces pays lointains d’il y a très longtemps, consistant à faire cohabiter au même endroit fraîcheur et clarté. Sur une table basse entourée de coussins, on avait disposé un plat de fruits coupés, plusieurs galettes de pain frais et une cruche d’eau.
— Poète ...