1. Intermezzo - Deuxième partie


    Datte: 30/06/2020, Catégories: fh, journal, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... que je me posais sur toi il y a à peine dix secondes.
    
    Et voilà. J’ai la brutale sensation d’être congédiée pour avoir transgressé une règle. Quelle est cette règle ? Là est bien la question. De toute manière, le message est clair, inutile de me sentir aussi dépitée et frustrée, parce qu’on vient de me signifier ma petitesse, et inutile de chercher la règle ; peut-être même n’y en a-t-il aucune. Tu as raison, évidemment, de m’avertir ; tu ne veux pas être fatigué, le principe est bon. C’est ce que tu penses, et ta véritable motivation, qui me font soudain très mal. Tu penses peut-être que je suis trop collante.
    
    Puis la rage supplante la peine, et je serre les dents. Pour un peu, je te filerais une bonne taloche, pour avoir continuellement le don de tout gâcher entre nous par des remarques malencontreuses. Et de ne même pas t’en apercevoir…
    
    – Quand ton ami arrive-t-il ?
    
    Coup d’œil sur ta montre.
    
    – Bientôt, je pense. Est-ce que tu peux m’aider à mettre la table, s’il te plaît ?
    
    Sans un mot, je sors les assiettes, et t’abandonne dans la cuisine. C’est fou, j’éprouve brutalement l’impression d’habiter avec toi depuis longtemps, d’être en couple avec toi, comme si nous venions d’avoir une énième discussion – dispute – matrimoniale. Comme les impressions peuvent être trompeuses, parfois ! Tout ça parce qu’on a l’habitude d’une chose, et que les habitudes font le quotidien… et le quotidien, que fait-il, hormis détruire tout ce qui reste ?
    
    Mais la question est ...
    ... de savoir ce qui reste en dehors du quotidien…
    
    Tout en dressant la table, je rumine en silence. Tu ne veux pas faire l’amour. Parfait. Je n’en avais aucune envie de toute façon. Tu n’es qu’un monstre d’égoïsme, et je me fiche bien de ce que tu penses de moi ; j’existerai toujours dans quelques jours, et je ne t’aurai plus collé à mes basques, d’ailleurs. Un bon point.
    
    Mon regard tombe sur ma feuille de papier, où j’ai griffonné les rimes. Armée de mon crayon, je l’attrape et barre frénétiquement et furieusement les mots de ratures vengeresses. Puis je froisse la feuille en boule, et vais dédaigneusement la jeter dans la poubelle de la salle de bain.
    
    Eh bien voilà le meilleur moyen de recouvrer une humeur plus clémente : passer sa rage sur n’importe quoi ! Simple. Efficace. Comme la mer qui s’efface de la plage humide.
    
    Et encore une fois, c’est moi qui me suis mise en rogne toute seule. C’est bien la seule émotion qui puisse m’animer, ces temps-ci : hormis le désir et la colère, aucun sentiment violent ne m’agite. Je suis pareille au cours d’eau d’un fleuve : lisse et linéaire. Seule la rage permet de faire de moi autre chose qu’une morte-vivante désertée de toute émotion humaine ; je ne suis peut-être pas tout à fait vivante, et pas tout à fait morte, finalement ; juste un peu des deux.
    
    Ni réelle, ni transparente. Juste stérile. N’ai-je pas déjà dit que je me trouvais au milieu de tout ? Une vie moyenne dans un espace infini d’actions et de possibilités ? J’ai ...