1. Intermezzo - Deuxième partie


    Datte: 30/06/2020, Catégories: fh, journal, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... je vois. Es-tu réellement le jeune homme que j’ai passionnément aimé il y a trois ans ? Ou bien, es-tu cetAutre que je devine dans mes rêves, celui qui me frôle de sa chaleur pour aussitôt m’oublier une fois le contact disparu ?
    
    Oui, dans ce lit trop grand pour nous deux, tu cherches mon corps, la nuit, et même en dormant, je sens ta présence contre moi, incompréhensible, inexplicable.
    
    Quel est cet homme avec qui j’ai fait l’amour ?
    
    Quel est cet homme qui est venu me chercher à la gare, qui a tiré ma valise, qui m’a fait visiter la ville comme il m’a fait visiter son corps – avec la même patience, le même enthousiasme, la même persévérance ? Quel est cet homme qui m’a souri, qui m’a embrassée ? Qui m’a fait rire ?
    
    Est-ce le Michael que j’ai connu, celui qui m’a baisée, celui qui m’a repoussée ? Celui qui s’est enfoncé dans mon cœur si profondément que je n’ai jamais pu le déloger complètement de là ? Est-ce un fantôme tiré des limbes de mon imagination, de mon souvenir ?
    
    Ou un homme inconnu dans un studio inconnu dans une ville et un pays inconnus, que je peux voir, toucher, goûter, ou entendre, mais que je ne réussirai probablement jamais à cerner ?
    
    Suis-je en train de t’inventer,t’inventer tel que je voudrais que tu sois, dans une interprétation insensée qui n’a aucun fondement réel ? Qui ne vit que dans mon imagination ?
    
    Y a-t-il un Michael réel, celui qui est authentique, et un Michael idéal, une image et une création de l’esprit qui naviguent loin ...
    ... au-dessus de ce que tu es, dans les détours de ma fantaisie ? Qui n’obéissent qu’aux lois de ce qui estAutre, ce qui est visible pour les yeux de l’imagination, et qui disparaît dès que j’essaie de l’intégrer dans la réalité ?
    
    L’erreur que j’aurais pu commettre c’est t’aimer à un moment de ta vie dans une période donnée, et continuer aujourd’hui à te regarder de la même manière, même si ce serait te rendre prisonnier du temps pendant lequel je t’aurais connu. J’aurais pu me fixer sur cetoi d’avant, sans impliquer ce qui accompagne nécessairement toute vie humaine, le changement.
    
    Ai-je été capable d’une telle erreur ? Peut-être, oui. Nous voyons toujours les gens d’une certaine façon, et en quelque sorte, nous les enfermons dans notre interprétation d’eux-mêmes.
    
    J’aurais tout intérêt à demeurer tolérante et à garder l’esprit ouvert envers toi, au cas où j’aurais fait la bêtise de te croire exclu du temps qui passe.
    
    Inconscient du flot saccadé de mes pensées, tu continues ta petite cuisine. Tu sens alors mon regard sur toi, et soudain nos yeux s’accrochent :
    
    – Je crois qu’il vaut mieuxdormir ce soir, d’accord ? J’étais fatigué ce matin, et j’ai beaucoup d’heures de cours, cette semaine. Ça ne te dérange pas, j’espère.
    
    Il me semble que mon corps devient raide comme un piquet. Tu m’observes une seconde, puis baisses la tête, et continues à remuer ta sauce. Tu n’attends apparemment pas de réponse, et je reste immobile et muette. Finies les profondes interrogations ...