1. Intermezzo - Deuxième partie


    Datte: 30/06/2020, Catégories: fh, journal, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

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    Tu fronces les sourcils, un peu décontenancé, puis as un faible sourire, destiné à me faire comprendre : « ce que tu peux être bizarre parfois ». Oui, je sais. Mais toi, tu ne l’es pas, bizarre ? Je n’ai jamais vu un type avoir autant de difficulté pour s’attacher à d’autres personnes. Ou alors, c’est un régime spécial que tu m’accordes, une sorte de favoritisme dépréciatif, peut-être… ne serais-je donc jamais assez bien pour toi ?
    
    À voir la distance spatiale que tu places entre toi et moi, tous les deux sur le trottoir, je ne peux pas m’empêcher de penser à ce genre de choses. On pourrait la comparer à un vide interstellaire !
    
    En règle générale, j’évite de penser à quel point tu es différent avec moi le jour, dans la rue, en comparaison avec ce que tu es quand tu as envie de satisfaire tes pulsions sexuelles ; car quand j’y pense, je me sens mortifiée d’y avoir cédé, malgré moi.
    
    C’est quoi ton problème, Mike ? Peut-être as-tu honte de moi, tout simplement…
    
    – Comment est-il, ton copain de ce soir ?
    
    Tu souris dans le vide.
    
    – Il est vraiment très gentil, commences-tu. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi sympa. Et tu sais, il est très intelligent, il a déjà écrit beaucoup de livres. Ils se vendent bien chez lui, en Inde… En fait, il représente le groupe intellectuel de son pays… il aime beaucoup la politique, et s’attache de près aux polémiques contemporaines sur la paix, la guerre, l’injustice et le capitalisme américain…
    
    Je me moque ...
    ... un peu :
    
    – Tiens ? Et tu ne le détestes pas ?
    
    Tu éludes la question par un sourire poli.
    
    – Tu verras, continues-tu sans relever l’interruption. Je suis sûr que tu l’aimeras beaucoup, toi aussi. Il est vraiment, vraiment gentil… il veut toujours rendre service.
    
    – Il a une copine ?
    
    Là, tu rigoles franchement. Puis tu hésites, avant de répondre dans un sourire :
    
    – Je ne sais pas, honnêtement. Nous ne parlons pas de ce genre de choses. En fait, je n’évoque pas ma vie privée devant les gens… et les autres font pareil, en général…
    
    Ça, je l’avais bien compris ! Cette répugnance que tu montres à révéler tes sentiments ou tes désirs - autres que sexuels - me fait presque mal au cœur, tant elle me rappelle les relations que j’ai eues avec d’autres hommes, après toi… tous si peu enclins à « mondialiser », à faire apparaître au monde et aux autres les sentiments qu’ils éprouvaient pour moi…
    
    Mais comment exposer à la vue du monde ce qu’on ne ressent pas, n’est-ce pas ?
    
    Je sors péniblement de mes pensées, et essaie de m’intéresser à ce qui m’entoure. Tu es resté silencieux, et je ne tente pas de briser ce silence.
    
    Nous visitons des rues pavées assez anciennes, passons devant des maisons de thé aussi vénérables que les vieux patrons qui en ont la charge, des musées à l’entrée obscure, de grandes parfumeries où je m’attarde un moment, des devantures de librairies qui semblent aussi vieilles que les rues.
    
    Nous gravissons une rue piétonne ; j’ai beau bavarder ...
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