Intermezzo - Deuxième partie
Datte: 30/06/2020,
Catégories:
fh,
journal,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... sais pas. Je n’en ai aucune idée.
– Pourquoi tu me demandes ça ? répété-je, en articulant soigneusement, cette fois.
Tes paupières vacillent, tu baisses les yeux, regardes le fond de ta casserole, puis me dévisages à nouveau.
– Je ne sais pas vraiment.
– Eh ben, on n’est pas plus avancés, commenté-je. Tu ne sais pas pourquoi tu poses cette question, je ne sais pas ce que je peux répondre, bref nous voilà tous les deux aussi ignorants que des … des canards, tiens.
– Pourquoi des canards ? demandes-tu avec un sourire irrésistible.
– Parce je ne connais rien de plus con qu’un oiseau.
– Les canards sont de gros oiseaux alors. Ils sont encore plus cons ?
– Parfaitement. Tu sais, pour ta question, je voudrais être réelle. Être reconnue.
Claquements de pas dans l’escalier. Bouton de l’ascenseur. Des voix qui parlent au-dessous de nous, des portes qui claquent. Le doux marmonnement de la casserole sur le feu. La brûlure de ton regard, qui me transperce.
– Qu’est-ce que tu viens de dire ? dis-tu, rompant le silence.
Je ne sais même pas pourquoi la réponse a fusé, idiote, tandis que je parlais de canards. À croire que ma bouche me trahit dès que je pense à autre chose. Comme si je ne pouvais même pas avoir confiance en mon propre esprit ! Il me fait un enfant dans le dos au moment où je relâche ma vigilance, ne serait-ce qu’un centième de seconde !
– J’ai parlé sans réfléchir, dis-je à voix basse. Les mots sont sortis et ont sans doute dépassé ma ...
... pensée.
– Je ne crois pas, non, répliques-tu aussitôt. Je crois que c’est exactement le contraire qui s’est produit. Tu as dit exactement ce que tu pensais. Isn’t it ?
Satané Michael. Tu as toujours été si perspicace pour lire dans mon esprit. À défaut de lire dans mon cœur, peut-être. Je t’évite du regard, et fixe les flammes bleues et orangées qui montent à l’assaut du fond de la casserole.
– Peut-être, répondis-je d’un ton morne. Je voudrais simplement cesser d’êtretransparente. Être reconnue pour ce que je suis. Être réelle. Tu comprends ?
– Oui, je comprends.
Je sens ton regard sur moi, insistant, interrogateur. Mais je fais en sorte de ne pas croiser tes yeux.
– Est-ce que tu as déjà eu l’impression que tu pourrais disparaître ? Comme ça, d’un seul coup ?
Je te jette un rapide coup d’œil. Dans tes yeux s’est allumée une lueur que je connais bien, pour l’avoir reconnue au fond des regards de dizaines de personnes que j’ai déjà croisées dans ma vie. Celle qui se demande, qui s’inquiète, qui se méfie.
– Non. Je ne crois pas.
– Alors peut-être que tu ne comprends pas ce que je veux dire, finalement.
– Peut-être, admets-tu, toujours très prudent.
Et tu replonges ton attention dans ta casserole. Je te regarde. Je regarde tes épaules musclées que l’on devine sous ta fine chemise blanche. Je regarde ta barbe de deux jours, tes cils incroyablement longs, ton nez de taupe et ta bouche un peu crispée.
Je te regarde et je me demande vraiment ce que ...