Intermezzo - Deuxième partie
Datte: 30/06/2020,
Catégories:
fh,
journal,
Auteur: Lilas, Source: Revebebe
... disparais dans la cuisine. J’entends un bruit de ferraille remuée, une lente cuiller qu’on tourne dans une casserole, le bruit métallique d’un couteau jeté sur le rebord inox de l’évier. Tu sifflotes gaiement. Je vois ton reflet dans les grandes baies vitrées, devant moi. Tu t’actives au-dessus de la gazinière. Je te vois, je te regarde, je t’entends, je t’écoute même ; mais où suis-je ?
Je finis par détourner les yeux, et observe pensivement le ciel obscur à travers la vitre, à peine éclairé de quelques étoiles ; puis mon regard absent effleure, traverse même, les trois bougies allumées, disséminées sur la table et autour de ta chaîne stéréo, sur une étagère. Le lit est partiellement fait, le studio presque impeccable, malgré mes bagages qui traînent dans un coin. Je me sens bizarre.
Ce poème, qui ne rime à rien, émane d’un détour tortueux de mon esprit tourmenté, aussi incompréhensiblement que si je m’étais soudain mise à danser la polka au milieu de la pièce. Quelques vers d’un poème que j’ai lu dernièrement surgissent alors dans ma conscience, fort inopinément :« Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve, une ébauche lente à venir… » [Charles Baudelaire].
Bizarre n’est peut-être pas le mot. Triste est sans doute plus approprié. Plus que trois jours avec toi. Encore trois longues journées.
– Je voulais m’excuser pour cet après-midi.
Tu me jettes un bref coup d’œil, un peu étonné. Tu n’as pas dû m’entendre entrer dans la cuisine, vu ta tête. Tu ...
... prends tout de même le temps de goûter ta sauce avant de me répondre, sans me regarder.
– De quoi veux-tu t’excuser, Eva ? Je ne suis absolument pas fâché.
– Oui, je sais. Mais je tenais à te dire… voilà. Que j’étais désolée d’avoir dit… ça.
Ton silence est impressionnant. Tout comme moi, tu ne juges probablement pas utile de rappeler à voix haute le fait que je t’ai accusé de me considérer comme une merde.
– Tu avais raison, de toute façon, dis-tu d’une voix neutre.
Toujours sans me regarder. Toujours cette foutue politesse. Toujours cette foutue culpabilité, qui reflue régulièrement à la surface de nos conversations, te traversant une minute ou deux avant de disparaître, et de revenir au pas de charge quelques heures plus tard. Je retiens une réplique acerbe. Bien sûr, j’avais raison ; bien sûr, j’aurais voulu que tu me persuades du contraire !
– Ce n’est pas ce que je ressentais envers toi, précises-tu quand même, au bout d’une minute, semblant concentré sur ta tâche. Tu avais raison dans le sens où c’est ce que tout le monde a dû penser de moi. Mon comportement cruel mérite bien des reproches…
– Mais je voudrais que tu arrêtes de croire que je ne pense qu’à te rappeler sans cesse cette histoire et te monter la tête avec ça ! dis-je néanmoins. Ce n’est pas mon intention, et j’espère que tu le sais. Ces mots m’échappent parfois, et…
– C’est parce que tu as de la rancœur contre moi, c’est tout. Et je crois que je le mérite, Eva.
Je voudrais parler, ...