1. Le temps du désir


    Datte: 27/06/2020, Catégories: ff, jeunes, école, amour, init, confession, Auteur: Coqueluche, Source: Revebebe

    ... au pli impeccablement repassé, chaussures cirées, trop cirées, au point qu’on les dirait neuves : il a tout d’une gravure de mode pour seniors. L’élégance bourgeoise un rien désuète ! Je m’étonne qu’il n’ait pas de petite croix de bois en guise de cravate !
    
    Et je vois ma Cassandre adorée, recroquevillée comme une enfant qui aurait peur de se faire gronder. Son corps semble fonctionner au ralenti. Chacun de ses gestes devient mesuré, précautionneux. Il n’y a pourtant rien à casser dans son périmètre ! Même les expressions de son visage me semblent contraintes. Elle ose à peine me regarder.
    
    Il a accepté la tasse de thé que je lui ai proposée uniquement par politesse – je sais, je le fais à chaque fois, le coup de la tasse de thé… mais je n’allais pas lui offrir une bière ou un whisky ! Il a décliné pour les cornes de gazelle, et Cassandre aussi, bien entendu ! Terriblement risqué… Le thé, je le lui ai servi à l’européenne : pas question de me lancer dans l’esbroufe orientale pour me faire mousser ! À bonhomme austère, manières austères. Surréaliste que ce petit ménage à trois : collet monté, regard pincé… paroles mesurées.
    
    — Je voulais vous connaître, m’avoue-t-il. Qui est donc cette Axel qui impressionne tellement ma fille ? Je croyais même que vous étiez un garçon.
    
    Je lui raconte donc l’histoire de ce prénom. L’impressionne favorablement, le fait que mon père, si haut (!) gradé ait fait la campagne d’Afghanistan au risque et péril de sa vie. C’est vrai, quoi ! ...
    ... Est-ce un nouveau Manouchian ? Les immigrés qui prennent fait et cause pour la France, ça le scotche !
    
    Il finit par nous interroger sur nos révisions. Cassandre parle à peine. C’est moi qui me coltine le récit détaillé de nos travaux. Et puis comme ça, mine de rien, se voulant naturel, il me fait remarquer que je ne porte pas le voile. Je le provoquerais bien en lui répondant « Jamais à la maison ! » Je me contente de lui expliquer que nous ne pratiquons pas, mon père et moi.
    
    — Mais, vous avez la foi, Axel ? Vous croyez dans le créateur ? Dieu ou Allah ?
    
    La manière dont il me pose la question signifie clairement que j’ai intérêt à répondre « Oui ! ». Inconcevable pour ce branque de vivre sans religion !
    
    Je l’entourloupe, je le désarçonne, je l’entube en lui confiant que je m’intéressais à la question mais que les circonstances – le bac – ne me laissaient guère l’opportunité de me pencher sur la Bible – Le Livre ! Ou le Coran, L’Autre Livre ! Quand je lui ai dit que mon père ne m’avait jamais imposé sa propre conception de la foi, et qu’il m’avait en quelque sorte ordonné de me faire ma propre opinion, il a manifesté une surprise presque comique.
    
    Il a fini par hocher une tête de hochet. Peut-être pensait-il que tous les musulmans étaient des fous d’Allah ! Mais peut-être désapprouvait-il aussi ce laxisme dans l’éducation qui m’était proposée.
    
    — C’est étrange, déclare-t-il. Toutefois, je suis rassuré de savoir que vous ne faites pas partie de ces athées sans foi ...
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