Sans fuir
Datte: 10/06/2020,
Catégories:
prost,
nonéro,
Auteur: Sofie, Source: Revebebe
... chute. Soudain, la face du Boiteux est cachée par la boule de la colonne. Je vois les mains du Boiteux s’appuyer sur le sol, comme un geste de survie afin de tenter de s’écarter au plus vite, en vain…
La colonne explose, au contact du crâne du Boiteux, qui s’écroule. Un laps de temps que je ne saurais définir s’écoule, jusqu’à ce que je réalise que de nombreuses filles de l’immeuble s’attroupent autour de moi. Elles regardent toutes vers le bas de l’escalier et la mare de sang qui commence à naître.
Le Boiteux a désormais les deux pieds dans la tombe, il ne boitera plus.
— On fait quoi ?
C’est cette phrase laconique qui me fait revenir à la réalité.
— Rien, c’est trop tard pour lui et de toute façon, aucune de nous ne veut le voir s’en sortir.
— Et on fait quoi ?
Le fait d’entendre exactement la même interrogation commence à m’énerver.
— Rien j’ai dit ! On appelle les pompiers, qu’ils dégagent le corps et basta ! Qu’on en finisse une fois pour toutes avec lui ! dis-je en élevant la voix.
— Oui, mais les flics vont pas se poser des questions ? C’est pas net, sa mort, y a du sang partout. Tu vas avoir des ennuis, et sans doute nous aussi…
C’est Claudia, une autre prostituée, une ancienne comme moi, qui parle, cette fois.
— Un maquereau qui meurt, les flics s’en moquent. Ils vont pas s’emmerder à faire une enquête. Toute façon, c’est moi qui leur parlerai. J’suis la seule à avoir tout vu, okay ? Il était dans l’escalier. En raison de son handicap, ...
... il s’est appuyé sur la rampe, elle a cédé. C’est bête, comme accident. Le dossier sera clos avant qu’il soit enterré.
Je me retourne et oublie la vue de ce cadavre qui, je l’avoue, me réjouit plus qu’il ne m’effraie. Je fais quelque pas sur le palier et une autre fille me tapote sur l’épaule et me dit :
— C’est malin ! Qu’est ce que l’on va devenir maintenant ! Hein ? Tu le sais, toi ? Ok, le Boiteux n’était pas un saint, mais on en avait besoin ! Qui va le remplacer, tu vas me le dire ?
— Moi ! J’suis la doyenne, je sais comment ça marche !
Puis je crie, pour que toutes les filles m’entendent.
— Vous avez entendu ? C’est moi qui reprends les rennes ! Et dès maintenant ! Alors on fait comme si rien ne s’était passé !
— Toi ! Mais tu te prends pour qui ? Puis t’as pas les épaules… me répond toujours cette nana.
Je l’arrête net d’une gifle.
— Tu vas voir si j’ai pas les épaules ! Dès ce soir, t’as intérêt à être sur ton trottoir !
J’ajoute plus haut, en tournant la tête vers chaque embrasure de porte.
— Ça vaut pour vous toutes aussi ! Dorénavant, c’est à moi qu’on s’adresse ! La maquerelle, c’est moi ! Et pour montrer que les temps changent, à partir de ce soir, les frais de capotes, c’est pour la patronne. Ça sera plus déduit sur vos parts ! Mais abusez pas, les filles, j’veux les tickets du pharmacien, sinon allez vous faire foutre !
Aucune fille n’ose protester contre mon auto-nomination. Elles ont bien trop peur de ce qui pourrait arriver si ...