Sans fuir
Datte: 10/06/2020,
Catégories:
prost,
nonéro,
Auteur: Sofie, Source: Revebebe
Je suis crevée, la nuit a été éprouvante, comme les précédentes. Je monte l’escalier de ce triste immeuble. Un escalier que je connais bien, délabré, avec une odeur prenante quasi-étouffante. Une règle à cet escalier : ne jamais toucher les murs sales et collants. Quant à la rampe, l’idée même de l’effleurer est exclue.
J’arrive enfin sur le palier. J’entends des bruits de pas lourd et des cris, comme le début d’une engueulade, derrière la porte qui me fait face. Je tends mon avant-bras vers la porte et au moment de frapper, elle s’ouvre en grand.
Une fille fortement dévêtue, au parfum de supermarché inonde l’air ambiant. Quasi-bousculée, je n’ai droit à rien, pas un pardon, pas un bonsoir, rien. Je ne m’attarde pas plus que cela et entre dans l’appartement.
À peine à l’intérieur, un bras, issu de nulle part me tire au centre de la pièce et une main prend mon sac pour le fouiller. Sans aucune gêne de sa part.
— Ah te voilà, toi ! T’en as mis du temps ! Tu traînes toujours ton cul avant de revenir ici. À croire que t’aimes ça, qu’on reluque ton cul !
Cette voix est aussi grasse que son contenu est grossier. C’est celle du « Boiteux », ici tout le monde l’appelle de cette manière, en raison de son handicap dû à une bagarre ayant mal tourné. Mal tourné, c’est relatif, car l’opposant du Boiteux, s’il avait un surnom aujourd’hui, ce serait le poignardé.
Le Boiteux fouille donc mon sac et en retire une liasse de billets qu’il compte rapidement, les yeux ...
... brillants. Puis, il me regarde. Je peux lire un début de surprise puis de colère qu’il tente vainement de maîtriser. Je le connais bien, le Boiteux, quand il s’énerve, il commence à avoir un spasme sur sa bouche.
— C’est tout ! Tu te fous de ma gueule ! Je t’ai déjà dit de pas tenir le crachoir aux clients ! Demain, t’as intérêt à me ramener beaucoup plus !
En disant cela, le Boiteux me gifle sans retenue.
— Connard ! T’es qu’un con ! Le fric, t’es bien content de l’avoir ! Alors râle pas ! Puis, avec ces Africaines, c’est de plus en plus dur ! Mais ça, tu peux pas le savoir. Tu restes tout le temps ici, sans bouger ton cul !
Je lui réponds cela tout en massant ma joue et en me préparant à en recevoir une autre.
— Toutes des emmerdeuses ! Bah tu sais quoi ? Ton fric, je le garde en intégralité. T’auras ta part quand tu la mériteras ! Allez, casse-toi ! Va te laver, j’aime pas ton odeur de pute !
Le Boiteux empoche la liasse dans son large jogging, bien trop petit pour son ventre bedonnant. Puis, il me prend le bras et me pousse hors de la pièce. Au passage, mon épaule cogne l’encadrement de la porte. Puis, il me jette dans la salle de bain, j’atterris le visage sur le carrelage.
— Eh ! J’espère que tu t’es pas fait de coups ! Parce que les clients, ils aiment pas ça ! Allez, dégage de ma vue ! Et mollo sur l’eau chaude ou j’te la décompte de ta part !
Le Boiteux fait demi-tour, après m’avoir menacée du doigt. Il claque violemment la porte derrière lui et ...