1. Un merveilleux don


    Datte: 08/06/2020, Catégories: bizarre, Oral Humour fantastiqu, fantastiq, Auteur: Hidden Side, Source: Revebebe

    J’aime les mots. J’aime les trouver, les manipuler, les agencer à l’infini jusqu’à ce qu’ils tombent parfaitement à leur place. J’éprouve une joie presque enfantine à résoudre cet étonnant puzzle de l’esprit qu’est l’écriture correcte d’une phrase. Parfois il m’arrive de m’amuser des jours durant avec quatre ou cinq paragraphes… Ces gamineries d’auteur folâtre ont le don d’excéder mon agent littéraire. En particulier lorsque la deadline d’un article, d’un scénario ou d’un ouvrage sur lequel il s’est engagé en mon nom est dépassée depuis si longtemps que ce n’est plus qu’une sorte de minuscule point subliminal, loin, très loin dans une galaxie encore inexplorée.
    
    En général, cela occasionne des conversations téléphoniques plutôt pénibles, comme celle que je subissais en ce moment même.
    
    — Deux mois de retard, putain ! Tu fais chier, Olivier ! Je sais pas pourquoi je continue de bosser avec toi !
    — Parce que la sueur de mon front génère la moitié de tes revenus ? ironisai-je.
    
    Comme si ce chacal n’était pas assez payé pour maintenir à distance de ma créativité la dureté du monde.
    
    — Offengluck et ses associés sont furieux ! Ils exigent la restitution de l’avance ! Sauf si avec tes petits doigts boudinés et ta cervelle de crétin congénital t’es capable de leur pondre cette saloperie de scénario pour jeudi…
    — Le 15 ? Facile, j’ai déjà l’intrigue. Manque plus que les dialogues…
    — Pour le 8, Olivier ! Après-demain !
    — Attends… On est quel jour là ?
    — On est le 6 mars, ...
    ... nom de dieu ! ! ! Enfin, pour toute cette fichue planète sauf toi, apparemment.
    
    Aïe… Nous avions en effet un léger problème. J’allais devoir recourir à ma légendaire capacité de travail, enchaînant les nuits de 15 heures devant mon fidèle iMac. Sophie risquait de ne pas apprécier.
    
    — Eh bien voilà un challenge à ma mesure ! rétorquai-je, essentiellement pour positiver.
    — Content que tu le prennes à la rigolade… Mais moi je balise légèrement, là !
    — Dis-leur que je suis pas bien… Un truc quelconque, pas trop grave mais qui m’empêche de finir tout à fait dans les temps.
    — Je leur raconte quoi, moi ? Que t’es mort et qu’il te faudra une petite quinzaine pour ressusciter ?
    — Et une méchante migraine ? On pourrait peut-être gratter jusqu’à lundi…
    — Non, tu vois, ça, je crois qu’ils vont s’en foutre…
    
    Quelqu’un toussota soudain dans mon dos. Je me retournai vivement, sans lâcher mon téléphone. Au-delà de la flaque de lumière éclairant mon plan de travail, mon antre n’était qu’obscurité. J’avais peine à voir quoi que ce soit, hormis une silhouette se dressant entre la porte et moi.
    
    — Olivier… ? T’es toujours là ?
    
    Après quelques secondes de flottement, je distinguai enfin mon visiteur surprise. Un petit homme rond et barbu, habillé de noir et coiffé d’un chapeau mou. Il arborait un sourire que je ne pus m’empêcher de trouver moqueur et légèrement hostile.
    
    — Écoute, j’ai du monde. Je te rappelle plus tard.
    — Non, mais attend ! Je lui dis quoi, moi, à Offengluck ...
«1234...13»