Histoire des libertines (16) : « Décapitées » Le destin tragique de trois femmes adultères dans l'Italie de la Renaissance.
Datte: 05/06/2020,
Catégories:
A dormir debout,
Auteur: Olga T, Source: Hds
... Certes, le nom des commanditaires de ces assassinats est tout aussi connu que le mode opératoire :
- Francesco Gonzague, seigneur de Mantoue, convoqua un tribunal d'exception afin que la peine de mort fût prononcée contre Agnese ;
- Filippo Maria Visconti, duc de Milan, fit soumettre à la question et condamner Béatrice par un juge en 1418 ;
- Niccolò d'Este, marquis de Ferrare, ordonna lui-même la décollation de Parisina et de son amant, le propre fils du seigneur, en 1425.
Il s'agit bien de « Cold cases » pourtant, car ces exécutions avaient été oubliées jusqu'à ce que Élisabeth Crouzet-Pavan et Jean-Claude Maire Vigueur exhument le dossier et associent les trois cas.
Outre son resserrement chronologique (moins de quarante ans) et spatial (l'Italie du Nord), cette séquence se distingue par plusieurs étrangetés qui, jusqu'à présent, avaient échappé à l'attention. Décelées par É. Crouzet-Pavan et J.-C. Maire Vigueur, elles les ont poussés à mener l'enquête dans les archives de Ferrare et de Mantoue, de Modène et de Venise.
POURQUOI ?
Pourquoi les seigneurs choisirent-ils tous trois de rendre public ce qui les exposait à l'infamie ? Pourquoi sanctionnèrent-ils ainsi un adultère quand aucune législation du temps ne prévoyait une telle extrémité, et quand bien d'autres moyens permettaient de régler ce délicat problème d'honneur ?
L'enquête n'est pas celle que proposerait un roman historique, elle ne se construit pas sur le destin tragique, personnel et ...
... collectif, de femmes de haute noblesse vivant dans l'ombre d'un mari puissant et violent, et cherchant auprès de leur amant un amour dont leur mariage arrangé les aurait privées. Le livre ne gomme pas les aspects propres à chacune des protagonistes, il n'oublie pas les spécificités des trois cours où chacune évolua. Il prend le pari de comprendre la « logique » de chacune des exécutions, à l'aide de ce que les sources permettent de connaître de la personnalité de ces femmes et de leur mari, et ainsi de comprendre le moment politique, social, économique et culturel où les trois mises à mort eurent lieu et furent rendues publiques.
LE CONTEXTE POLITIQUE : DU POUVOIR COMMUNAL A CELUI DES GRANDES FAMILLES ARISTOCRATIQUES
À Mantoue, à Milan et à Ferrare, comme dans bien des villes du centre et du nord de l'Italie, de grandes familles accaparèrent le pouvoir dès la fin du XIIIe siècle. Elles prirent progressivement le contrôle des communes, vidant de leur substance les assemblées et les conseils des citoyens qui tenaient jusque-là le destin de leur cité. Elles développèrent peu à peu leurs propres organes de gouvernement.
Au moment où Agnese, Beatrice et Parisina perdirent la vie, certains régimes seigneuriaux tentaient d'opérer une nouvelle mue : alors que le pouvoir avait été partagé entre plusieurs membres d'une même famille, il se trouvait désormais dans les mains d'un seul homme qui l'exerçait de façon personnelle et autoritaire. Le pouvoir devenait dynastique et ...