1. L'ultime cadeau


    Datte: 11/05/2020, Catégories: fh, fhh, hplusag, extracon, campagne, anniversai, amour, nonéro, Auteur: Musea, Source: Revebebe

    ... comment ? Comment cela avait-il été possible ? Vingt ans les séparaient et des vies, des vies tellement différentes…
    
    Un par un, Sarah convoquait ses souvenirs… cherchant la faille, la preuve de cet amour inavoué.
    
    Le jour de ses trois ans s’imposa brusquement devant ses yeux : sa mère sourit en apportant un gâteau recouvert de chocolat. Elle est suivie d’un grand gaillard à cheveux blancs qui la couve du regard avec tendresse. Il a posé la main sur son épaule et elle se tourne vers lui avec émotion. Un murmure passe entre eux, presque inaudible. Sarah se penche par-dessus la table pour s’emparer d’une perle de sucre argenté oubliée sur une assiette. Elle mouille son petit doigt pour saisir le régal mais suspend presque aussitôt son geste : Papy a pris la main de Maman et embrasse avec dévotion le creux de son poignet. Maman est devenue plus rose que sa robe. Plus rose que les roses du jardin. Un ange passe sous le regard d’une enfant qui vient seulement de comprendre, dix-sept ans plus tard, le secret de cette émotion maternelle, renouvelée à chaque fois qu’elle parlait de lui : « Il a été tout ce que j’attendais. »
    
    Un peu plus tard dans l’après-midi, alors qu’elle repasse pour la troisième fois un peu de bleu cobalt sur une mer grise, Sarah aperçoit un homme, anéanti devant une aquarelle représentant un petit village niché au milieu des champs. Un des meilleurs paysages de sa mère.
    
    Il a l’air de tanguer, comme une barque secouée par la tempête. Elle se lève et ...
    ... va jusqu’à lui.
    
    — Vous allez bien, monsieur ?
    
    L’homme se retourne, les larmes aux paupières. Il contemple la jeune fille comme s’il sortait d’un rêve, presque incrédule. Il doit avoir la cinquantaine bien sonnée. Il a les tempes grises, les cheveux noirs parcourus de blanc. Les yeux aussi bruns que les siens : des yeux chauds, fiévreux et bouleversés.
    
    — Ça va aller. Je crois… Il fait tellement chaud dehors… Pour un mois de mai…
    
    Sarah acquiesce avec un sourire, propose une chaise, un peu d’eau. Il remercie. Il reprend pied doucement. S’avance dans la salle, passe d’un tableau à l’autre. Soupire. Se campe devant le portrait de papy Sam avec un sourire triste, légèrement ironique.
    
    — Votre père ? demande-t-il.
    
    Elle rit.
    
    — Vous ne voudriez pas ! Plutôt mon grand-père… enfin… une sorte de grand-père… C’est mon parrain, peint par ma mère.
    — Je sais. J’aimais beaucoup votre mère.
    
    Sarah sursaute :
    
    — Vous la connaissiez ?
    — Plutôt bien, oui… On s’est perdus de vue il y a plus de vingt ans… à cause d’une méprise…
    — Une méprise ?
    
    L’homme rentre les épaules, peur d’en avoir trop dit ou pas assez. Il ne veut pas rouvrir la plaie maintenant. Surtout face à cette jeune femme qui ressemble tellement à sa mère.
    
    Il hausse les épaules :
    
    — Ce sont de vieilles histoires sans importance à présent.
    — Vous croyez ?
    
    Elle a dit ça avec inquiétude. Elle sent qu’on lui cache quelque chose. Alors il s’accroche un sourire désarmant pour répondre d’un air aussi ...
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