1. 55.4 Après le déluge (partie 1, Toulouse – Gruissan).


    Datte: 09/05/2020, Catégories: Entre-nous, Les hommes, Auteur: Fab75du31, Source: Hds

    ... sera plus comme avant. Ma vie, c’est le vide. J’ai tout perdu, mon plus grand bonheur.
    
    Alors, je veux juste tout oublier, ne plus rien ressentir. Je sais que je ne tomberai plus jamais amoureux. Je ne veux plus jamais tomber amoureux. Ça fait trop mal quand ça s’arrête.
    
    J’ai juste envie de couper les ponts avec ma vie d’avant. Si la rentrée était demain, ce serait un véritable soulagement pour moi. Il faut que je voie avec maman si je ne peux pas m’installer à Bordeaux avant la rentrée. Mais je ne connais personne à Bordeaux ; et l’idée de me retrouver seul dans un petit studio m’angoisse.
    
    Je n’ai même pas envie de voir Elodie ; je n’ai pas envie de parler de ce qui s’est passé, même pas avec elle. Juste oublier, le plus vite possible.
    
    La seule chose dans laquelle j’arrive à trouver un semblant de soulagement, c’est la réaction de maman. Bien évidemment, j’avais imaginé mon coming out d’une façon complètement différente : j’aurais voulu attendre, pour le faire, de pouvoir la rassurer quant à mon bonheur ; loin de là, elle a assisté à mon malheur. Mais elle a été formidable, vraiment formidable : ses mots et ses caresses, m’ont fait un bien fou. Son amour m’a fait un bien fou.
    
    Quand je pense qu’il y a des jeunes qui se font mettre à la porte par des parents qui n’acceptent pas leur homosexualité, je me dis que j’ai quand-même une chance inouïe.
    
    Je n’ai pas pour autant envie de reparler de tout ça, avec elle, dans l’immédiat ; mais rien que le fait de savoir ...
    ... qu’elle sait et qu’elle me soutient, c’est en soi une aide morale précieuse.
    
    La radio a tourné toute la nuit dans le noir, et elle tourne toujours ce matin, à volume tout bas ; j’avais besoin d’une présence, besoin de me donner l’illusion de ne pas être seul sur Terre ; j’avais besoin de me donner l’impression d’une vie qui continue, celle de la radio, une vie à laquelle pouvoir en quelque sorte raccrocher la mienne, cette vie qui s’est arrêtée la veille, comme une horloge cassée.
    
    Je me sens comme vidé de toute énergie ; j’ai envie de rester là, dans ce lit, pour le restant de ma vie. Je m’accroche aux infos, aux chansons, aux pubs, comme un moyen d’empêcher mon cerveau de s’éteindre, à mon cœur de cesser de battre.
    
    Je comate toujours, alors qu’une barre de fatigue et de douleur transperce mon crâne de tempe à tempe ; j’ai la tête aussi lourde qu’une pastèque ; j’ai les membres, les muscles, les articulations, les os rendus douloureux par la fatigue extrême ; j’en ai mal au ventre, tellement je ne suis pas bien.
    
    Peu à peu, j’entends la maison se réveiller ; papa se lève, il prend sa douche, son petit déjeuner ; papa part travailler. J’écoute la ville se réveiller à son tour, la circulation reprendre, les voix des passants dans la rue revenir doucement.
    
    Il est 9 h, lorsque maman vient taper à la porte de ma chambre.
    
    « Tu es réveillé, mon loulou ? ».
    
    « Oui maman, bonjour… ».
    
    « Ça va, Nico ? ».
    
    « Oui… » je lâche, tout en me laissant submerger par un ...
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