1. La collègue est morte


    Datte: 07/04/2020, Catégories: nonéro, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... comprenait réellement ce qui venait de se passer. Elle avait tué Tamia. Point. Elle était une meurtrière. Point.
    
    Une vague de nausée la saisit au ventre, et elle eut envie de vomir. Elle regarda le policier d’un œil trouble.
    
    Lui, dans son conformisme de flic qui fait son boulot, ne s’aperçut de rien. Ainsi va la vie.
    
    — Veuillez me suivre, madame Hendrowks. On vous amène à l’hôpital. Vous êtes en état de choc. Ensuite, vous répondrez à quelques questions, conclut-il, avec un sourire froid et formel.
    
    Encore cette phrase ridicule et dénuée de sens, nota-t-elle silencieusement. Vous êtes en état de choc. Ils ne savaient pas, ne pouvaient pas savoir, ce qu’elle ressentait à cette seconde précise.
    
    Comment pouvaient-ils une seule seconde se douter de ses sentiments, ou plutôt du naufrage de ses sentiments ?
    
    Machinalement, elle suivit le policier jusqu’à sa voiture de fonction. Il s’arrêta pour lancer quelques mots à ses collègues, qui récoltaient des témoignages de l’accident.
    
    Un stupide, un inutile accident de la route.
    
    Elle se mit à pleurer, doucement, et autour d’elle il n’y eut plus qu’un rideau mouvant d’ombres incompréhensibles.
    
    — Madame Hendrowks, vous sentez-vous prête à répondre à nos questions ?
    
    Mina leva la tête et considéra les deux inspecteurs en face d’elle d’un œil morne. Le bureau où on l’interrogeait était très calme quand on considérait le vacarme qui régnait dans le commissariat, derrière la porte. C’était comme une bulle ...
    ... isolante, ici. Mais les deux paires d’yeux impersonnelles qui étaient rivées sur elle l’empêchaient définitivement de se sentir à l’aise. Et en sécurité.
    
    — Bien sûr, si vous ne vous sentez pas encore prête, on peut attendre, intervint alors l’autre inspecteur, avec un sourire entendu et quelque peu froid. Nous, on n’y voit aucune objection…
    
    Mais pas le système judiciaire, pensa Mina. Elle secoua la tête, et jeta un regard flou autour d’elle. Fort heureusement, rien dans cette pièce ne lui rappelait le sang ou la mort. Puis elle regarda les deux policiers.
    
    — Je peux vous répondre, dit-elle d’une voix très calme, et légèrement rauque – parce qu’elle avait sangloté toute la journée.
    
    Les deux hommes la regardèrent aussi, et elle devina qu’ils hésitaient. Enfin un minimum d’humanité. Mais elle allait bien. Tout à fait bien. Elle savait qu’elle avait les yeux rouges. Qu’est-ce que cela changeait ? C’était normal qu’elle pleure. Le docteur qui l’avait examinée avait dit qu’elle n’avait pas besoin de rester à l’hôpital, qu’il fallait qu’elle se repose chez elle.
    
    Et qu’elle était en état de se faire interroger.
    
    Ils devaient le savoir. Le docteur avait dû leur dire. Pourquoi lui demandaient-ils s’ils pouvaient lui poser des questions puisqu’ils devaient déjà le savoir ?
    
    — Bien, dit enfin l’un des policiers. (Il se racla la gorge). Alors commençons. Qu’étiez-vous en train de faire, ce matin, vers dix heures ?
    
    Mina les regardait toujours.
    
    — Ça dépend, répondit-elle ...
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