1. La collègue est morte


    Datte: 07/04/2020, Catégories: nonéro, Auteur: Lilas, Source: Revebebe

    ... t’entendre maman, murmura-t-elle plus calmement.
    — Ma Mina, comment vas-tu, dis-moi ? Je voulais t’appeler avant, mais toutes les cabines téléphoniques étaient prises ici.
    — Où es-tu maman ? demanda-t-elle avec espoir.
    — À l’aéroport de New York, ma puce. J’ai pu obtenir un vol.
    
    Mina se sentit très triste à cette nouvelle. Elle aurait voulu que sa mère soit là, elle aurait voulu parler à quelqu’un.
    
    — Quand seras-tu là ? s’enquit la jeune femme avec une grimace.
    — Je ne sais pas… peut-être dans huit ou neuf heures, peut-être plus. Mon avion va bientôt décoller. J’espère que… tu ne vas pas trop mal ? dit sa mère avec une note de forte anxiété dans la voix.
    — Je… (Mina se dit que sa mère s’inquiétait déjà assez et qu’il ne fallait pas qu’elle sache la vérité)… pourrais aller mieux, évidemment, et j’ai mal à la tête. C’est comme si quelqu’un voulait rentrer dans ma tête en me tapant dessus. À part ça, je vais plutôt bien.
    — Chérie, tu as une migraine atroce, prends un cachet et appelle le docteur, fit sombrement sa mère. Je voulais te dire que j’étais vraiment désolée pour Tamia. Mais tu n’as pas à te sentir responsable, Mina chérie… Ce n’est pas ta faute.
    
    C’est ta faute. Mina déglutit nerveusement. Cette voix qui venait de traverser son crâne, c’était la voix douce, mais monotone, de Tamia. Non seulement elle était devenue complètement folle, mais en plus, elle avait très mal, dans son corps entier, et plus la conversation durait, plus elle avait mal. Que se ...
    ... passait-il ? Affolée, Mina appuya la tête contre le mur, sentant la transpiration ruisseler sous son pyjama. Ses mains étaient moites et douloureuses elles aussi. Mina fit un effort pour reprendre le fil de la discussion. Sa mère parlait toujours, de sa voix à la fois douce et inquiète.
    
    — … je l’aimais beaucoup, ma chérie, et je suis sûre que toi aussi, mais un jour tu pourras repenser à tout ça avec sérénité, n’est-ce pas ? Ces accidents de la route, malheureusement, il s’en passe partout de nos jours, tu sais, et même si c’est dur, il faut oublier la mort, parce que c’est dangereux pour la santé mentale de quelqu’un, tu comprends, Mina chérie ?… Oh, mon avion part dans quelques minutes, il faut que j’embarque !
    — D’accord maman, chuchota Mina avec peine. Co-comment papa prend-il la nouvelle ?
    — Bien chérie, mieux que moi, mais il n’a pas pu venir, on l’a bipé au moment où nous partions pour l’aéroport. Il prendra l’avion demain, ne t’inquiète pas. Et surtout, si ça ne va vraiment pas, tu appelles le docteur, n’est-ce pas ? Dis bonjour à David de ma part. Heureusement qu’il est là. Il faut que je file chérie. Je te rappelle !
    
    Mina aurait voulu lui dire que David n’était pas là, qu’elle avait très, très mal, qu’elle était seule et terrifiée, et qu’elle avait froid, mais aucun son ne sortit de sa bouche, et sa mère raccrocha.
    
    Il n’y eut plus que le bip continu et insupportable, dans le combiné, et Mina raccrocha à son tour, très lentement, pleurant de souffrance. ...
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