1. La mangeuse d'enfant


    Datte: 08/03/2020, Catégories: nonéro, contes, Auteur: Jean Balun, Source: Revebebe

    ... trois femmes à l’unisson.
    — Non, s’écria l’adolescent. Et je peux prouver mes dires ! Mais quel étrange procès on a fait à cette femme, aucun juge n’a été convoqué, aucune enquête, aucun débat. Aucune bête pourtant, la hyène y compris, ne dévore sa proie complètement et si elle avait voulu dissimuler son forfait pourquoi n’avoir pas lavé le sang ? Son crime n’est pas si évident, à la réflexion !
    
    Un silence lourd suivit ces paroles empreintes de sagesse.
    
    — Oui, mais l’enfant a tout de même bien disparu ! s’écria Bachir, la voix brisée.
    — Quel signe particulier avait l’enfant dont on n’a pas même retrouvé un seul os ? demanda-t-il.
    — Il lui manquait un bout du petit doigt de la main gauche, mais l’ongle était présent, répondit le vieux maître.
    — Comme cette main ? demanda-t-il en levant le bras.
    — Enfer, nous sommes perdues ! s’écrièrent les traîtresses.
    
    Le jeune homme raconta alors son histoire. Bachir fit libérer sur le champ la pauvre Anna et la confia à ses servantes pour la soigner, la baigner, lui rendre figure humaine. Il implora son pardon et lui rendit sa place à ses côtés.
    
    Le pacha organisa des festivités encore plus grandioses que celles données pour la naissance de l’enfant. Car Allah lui avait rendu l’héritier disparu.
    
    Si le garçon obtint le pardon pour ses parents adoptifs, Anna ne put fléchir le courroux de son époux envers celles qui avaient voulu le priver de son héritier. À leur tour, elles furent rasées et attachées dans la cour avec les chiens.
    
    Parfois à la pleine lune, quand les chiens aboient dans le lointain, on peut entendre leurs lamentations.
    
    * Jusqu’à une époque pas si lointaine dans le pourtour méditerranéen et encore actuellement dans des pays comme l’Afghanistan, la fécondité des femmes s’estime uniquement à leur capacité d’engendrer des enfants mâles. Les femmes étant considérées comme des bouches à nourrir et surtout des sources de déshonneur.
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