1. La mangeuse d'enfant


    Datte: 08/03/2020, Catégories: nonéro, contes, Auteur: Jean Balun, Source: Revebebe

    ... lui jetait quelques hardes, c’était plus pour préserver la décence que par charité. Elle était restée belle et des effrontés tentèrent d’abuser d’elle plus d’une fois. Mais c’était oublier les chiens qui la considéraient comme l’une des leurs. Les pervers furent vite mis en déroute.
    
    Les autres épouses, quant à elles, ne donnèrent naissance à aucun héritier.
    
    Bachir ne s’était pas remarié. Une force mystérieuse l’avait empêché de répudier Anna malgré le crime odieux dont elle s’était rendue coupable.
    
    Le garçon, lui, avait grandi en force, pas toujours en sagesse. Ce fut ainsi qu’il apprit que ceux qu’il appelait papa et maman n’étaient pas ses vrais parents. À la suite d’une de ses nombreuses frasques d’adolescent, ses parents se disputèrent :
    
    — Ne le défends pas. S’il avait été mon vrai fils, le fruit de mon sang, jamais il ne ferait autant de bêtises ! s’était écrié son « père », hors de lui.
    
    Cela ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd ! Ce fut comme un coup de massue. Désormais il n’aurait de cesse de découvrir le secret de ses origines, de savoir qui étaient ses vrais parents. Il ourdit un plan qu’il mit à exécution, lors d’un voyage de son « père » dans une ville voisine.
    
    Il demanda à manger une soupe de semoule. C’est une bouillie épaisse qui colle au ventre, un plat d’hiver car elle garde la chaleur de façon remarquable.
    
    Lorsque sa « mère » lui apporta la soupe, il lui saisit la main et la plongea dans la casserole.
    
    — Aie, cria-t-elle, tu es ...
    ... devenu fou, c’est brûlant !
    
    Mais le gaillard, usant de sa force, lui replongea la main dans la bouillie.
    
    — Mère, dit-il, tu connaîtras la douleur tant que tu ne m’auras pas dit qui sont mes vrais parents !
    
    Incapable de lutter contre ce garçon vigoureux, elle lui révéla en tremblant l’histoire de ses origines.
    
    — Quand le pacha saura la vérité, il nous tuera tous, se lamenta-t-elle.
    — Pas si tout se passe selon mon plan, répondit-il.
    
    Il soigna la main brûlée, puis enferma la femme, afin qu’elle ne tentât point de prévenir les trois félonnes.
    
    Une tradition prévalait en ces temps : celle des « invités de Dieu ».
    
    Quand un étranger se présentait en disant :
    
    — Je suis l’invité de Dieu, me recevrez-vous ?
    
    La coutume voulait que l’on répondît :
    
    — Bienvenue chez nous, ô invité de Dieu.
    
    Le jeune homme se présenta ainsi chez le pacha. Il fut accueilli avec les égards dus à un tel hôte :
    
    — Dis-nous ce que tu veux manger, nous le préparerons. Dis-nous ce que tu veux boire, nous te désaltérerons.
    — Je ne veux rien de particulier, je mangerai ce que vous mangez, je boirai ce que vous buvez, mais je veux me restaurer avec la malheureuse qui est enchaînée dans la cour !
    — Au nom du Dieu clément et miséricordieux, sais-tu seulement de quel crime cette ogresse est coupable ?
    — Oui, je le sais. Je sais aussi qu’elle est innocente et je suis venu rétablir la vérité !
    
    La foudre serait tombée qu’elle n’aurait eu plus d’effet !
    
    — C’est un fou, hurlèrent les ...