Le récit de Maricke
Datte: 04/03/2020,
Catégories:
prost,
hdomine,
chantage,
portrait,
amourdram,
tarifé,
Auteur: Lionévitch, Source: Revebebe
Je suis née, il y a trente-cinq ans, en janvier 1867, à Anzin dans le pays noir. Mon père était mineur, beau, fier, libre et venait de l’autre côté de la frontière. Ma mère, toute jeunette, s’était collée avec lui, contre l’avis de sa famille. Elle s’était bientôt retrouvée enceinte de moi et, deux ans plus tard, Norbert venait au monde suivi l’année d’après par Baptiste.
Le père, piqueur et bon ouvrier, gagnait correctement notre vie. La compagnie nous louait une petite maison. Et mieux encore, nous avions affermé un petit clos où nous faisions pousser des pommes de terre et les légumes les plus beaux. Nous étions très heureux tous les cinq. Mes deux frères et moi avons été les plus gâtés des enfants.
Lehercheur qui poussait la berline qui l’a écrasé ne pensait pas qu’il faisait, par sa maladresse, basculer notre vie dans l’enfer.
Mais commençons par cette tragique soirée du 13 octobre 1875. Elle a été la ruine de notre vie. Tout d’abord, nous avons entendu la sirène, messagère de malheur collectif. Puis une voisine qui travaillait au puits nous apporta l’horrible nouvelle. Le père était mort, au fond, heurté par une benne folle, fauché avec trois de ses camarades. J’allais vers mes dix ans, Norbert en avait six et Baptiste un peu plus de quatre.
Pendant six mois encore la mine accepta de louer la petite maison à la femme du défunt. Notre mère était très courageuse, le directeur lui permit de travailler comme trieuse. La paye n’avait rien de comparable avec ...
... celle de papa et les fins de mois sont devenues difficiles. Elle dut se séparer de notre lopin. La direction nous trouva un logement moins cher, et nous sommes partis nous entasser dans une pièce sombre à la sortie du coron.
Bientôt une année a passé, nous tirions le diable par la queue. Ma mère ne s’était pas remise en ménage, bien que les propositions ne lui aient pas manqué. Elle était belle, et maints hommes lui disaient, depuis que papa n’était plus là, qu’ils la réchaufferaient volontiers. Mais la plupart des prétendants passaient la majorité de leur temps libre au café et étaient souvent connus pour leur vulgarité, parfois pour leur brutalité. Elle ne cherchait pas et aucun ne réussit à lui faire oublier, ne serait-ce qu’un instant, le père.
Elle avait dû, bien vite, me retirer de l’école, et j’avais beaucoup pleuré. Le maître m’avait laissé emporter le livre de lecture que je lisais et relisais sans cesse. On avait proposé à maman de m’engager à la compagnie. Elle ne pouvait s’y résoudre, bien que j’aie déjà passé neuf ans et que je fusse de grande taille. Mes petits frères étaient de plus en plus diables et je faisais mon possible pour aider.
J’avais aussi trouvé un petit travail, toute seule, j’aidais une voisine qui travaillait à la tâche. Je montais des perles de verre sur un fil de cuivre pour faire des couronnes mortuaires. Elle me donnait cinq sous la couronne. Cette activité déplaisait profondément à la mère qui disait que j’avais assez vu la mort comme ...