55.5 Après le déluge (partie 2, Gruissan – Toulouse)
Datte: 27/01/2020,
Catégories:
Entre-nous,
Les hommes,
Auteur: Fab75du31, Source: Hds
... d’entendre sa voix pour tenter de comprendre s’il va bien ; et pour tenter de déceler un espoir ; j’ai besoin d’un espoir.
Heureusement, mon portable est resté à l’appart ; malheureusement, ma carte bleue est avec moi ; son 06 est gravé dans ma tête ; et je connais l’emplacement des cabines téléphoniques ; cabines qui ont en plus un avantage certain, celui de garantir l’anonymat de l’appelant.
Me voilà devant le petit clavier métallique. J’hésite longuement avant de me lancer. Je finis par taper les dix chiffres, les doigts tremblants, le cœur dans ma gorge ; les voir s’afficher sur le petit écran me donne le tournis.
Ça sonne. Je ne sens plus mes jambes, je suis obligé de m’appuyer contre la paroi vitrée. À chaque sonnerie, mon cœur a des ratés. Troisième sonnerie : je me dis que finalement je préférerais tomber sur son répondeur, juste entendre sa voix enregistrée, et raccrocher juste avant le bip.
Cinquième sonnerie, mon vœu semble en passe de se réaliser.
Pourtant, ça finit par décrocher.
« Oui ? ».
Et le timbre de sa voix de mec, au ton ferme, viril, un brin autoritaire, vient faire vibrer mon oreille ; et, avec elle, tant de cordes sensibles en moi.
Je ne veux pas lui parler. De toute façon, je ne peux pas, ma langue est nouée, mon cerveau paralysé.
Le secondes s’enchaînent, mon silence devient suspect.
« Allo ? » fait le bogoss, agacé.
Je sais que c’est le moment de raccrocher, avant de me faire envoyer chier. Pourtant, je n’arrive pas ...
... à m’y résoudre ; une partie de moi voudrait parler, lui dire que c’est moi, lui dire à quel point il me manque, à quel point je crève d’envie d’être avec lui. En attendant, mon silence finit par l’indisposer carrément.
« Alloooooo ? » il relance, déjà emporté.
Putain, qu’est-ce qu’il me manque… tout remonte en moi… une immense, douloureuse nostalgie pour ce Paradis Perdu… je vais encore chialer… je dois me retenir… je dois mettre fin à cette « conversation »… mais je n’en ai pas la force…
Mais lui, si. Une seconde plus tard, j’entends le clic du téléphone lointain qui vient de raccrocher, suivi par le son de la ligne coupée.
Je raccroche à mon tour, en larmes ; et je marche, je marche, je marche pour tenter de me calmer ; je marche jusqu’à l’épuisement.
Je rentre à l’appart vers 3 heures, je suis en miettes, le moral sous les semelles. Tout le monde est couché, le silence règne en maître : si les amoureux avaient envie de faire l’amour, c’est fait ; ils ont pu le faire sans avoir à se soucier de faire attention à ma présence dans la chambre d’à côté, et moi je n’ai pas eu à endurer ça, je n’ai pas eu à détester un peu plus ce couple qui me rappelle que je suis seul.
Lundi 20 août 2001
Le lendemain, j’évite de raconter l’écart « téléphonique » à ma cousine ; d’une part, je n’en suis pas vraiment fier, car ça n’a fait que raviver ma blessure ; d’autre part, je sais qu’elle me pourrirait, et à raison, et je n’ai franchement pas envie de me faire disputer ; ...