1. La madone des cités


    Datte: 16/01/2020, Catégories: ff, voisins, init, exercice, Auteur: Ortrud, Source: Revebebe

    ... avait pas de raison. Quand elle a sonné, j’ai fait rigoler tout le monde en disant qu’une copine venait me chercher et, le temps qu’ils finissent de se marrer, j’étais déjà dans l’escalier.
    
    — Tu rentres à quelle heure ? On mange à huit heures. Tâche d’être là.
    
    Ils étaient pas inquiets, je faisais jamais de bêtises, et je rentrais toujours.
    
    Je ne m’étais pas spécialement habillée, rien du tout, j’avais seulement pris une douche pour pas sentir le travail de la journée.
    
    Elle était en jeans, avec un blouson et une casquette. J’ai vu que ses cheveux étaient noirs, c’est joli, les miens, c’est meule de paille, c’est ma belle-mère qui dit ça, des meules de paille j’en ai jamais vu.
    
    On a pris sa voiture et on a roulé, sans trop parler, je savais pas quoi lui dire. Ça a commencé petit à petit, elle parlait à voix basse, à mesure qu’on roulait vers la ville, on a pris les bords du fleuve et on s’est arrêtées dans un bistro avec une terrasse sur l’eau, c’était bien. J’ai pris un Coca, bien sûr. Elle me demandait des tas de choses sur moi, mon travail, mon école, là, j’étais coincée, mais aussi sur moi, si j’aimais le rap, la techno. Ça l’amusait que je m’en foute. Aujourd’hui, je sais qu’elle faisait le tour de moi, qu’elle vérifiait mes attaches, mes liens avec la cité.
    
    Elle a bien aimé que je rende service à Odette mais bien sûr, j’ai rien dit de ses petits accidents humides. Comme ça, insensiblement, on a parlé filles, je me laissais aller à dire ma petite vie à ...
    ... l’horizon de mes immeubles, des quelques sorties au cinéma, et du parc d’attractions, une fois, avec l’école, c’était pas hier.
    
    Elle riait, et elle changeait à ce moment-là, comme une grande sœur. Elle m’avait invitée parce qu’elle me trouvait sympa, pas ordinaire et elle a voulu me montrer son appartement. Seulement, il fallait que je rentre, ça l’a surprise. On s’est fait la bise dans la voiture et j’ai senti ses lèvres chaudes juste au coin des miennes.
    
    — Tu es libre quand ?
    — Quand tu veux.
    — Samedi après-midi, je viens te chercher, on ira chez moi.
    — Ça va.
    
    Rien de plus, on était passées au « tu » ce n’était pas celui de l’habitude, mais de la connaissance ; j’étais assez fière. Je me suis fait un peu charrier par mon père, mais bon, pas trop.
    
    J’ai fini la semaine sur les chapeaux de roue ; j’arrêtais pas, du travail partout. Odette me retenait beaucoup, on était en confiance, son mec était gentil finalement, il me refilait des billets de 20 €, et comme ça, il avait la paix. Odette avait pris l’habitude de moi, elle allait mieux, pouvait commencer à se remuer, mais j’avais l’impression qu’elle se laissait un peu dorloter. Ça me faisait plaisir, elle n’avait plus honte d’elle-même et, à mesure qu’elle se remuait mieux, presque suffisante, elle me sollicitait.
    
    Mais ce samedi, il était à moi. À partir de 14 heures, j’étais en bas de l’immeuble, coiffée ben à plat, toute propre, piqué un peu d’eau de toilette à ma grande sœur.
    
    J’ai reconnu la voiture de ...
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