1. La madone des cités


    Datte: 16/01/2020, Catégories: ff, voisins, init, exercice, Auteur: Ortrud, Source: Revebebe

    ... petits cadors qui font les autorités en engueulant la titesœur et en jouant les durs, non, ceux-là, c’est des condamnés à mort, mais y a les gars normaux, tiens Norbert, par exemple, il est plâtrier, il part le matin, très très tôt, mais à quatre heures, il rentre, en voiture, quand il arrête le moteur, il reste un long moment à regarder dans le vide, en se passant les mains sur la figure, comme un massage, des fois il ferme les yeux, la tête en arrière, la bouche à demi ouverte ; il dort pas, il récupère et quand il se décide à sortir, c’est comme s’il avait des poids attachés aux épaules. Il ferme sa bagnole, il regarde vers le cinquième, l’air inquiet, crispé, puis il rentre, la tête basse, sans traîner, avec sa glacière au bout du bras. Je savais pas pourquoi il faisait ça jusqu’au jour où j’ai su qu’il vivait seul, qu’il faisait tout chez lui, qu’il s’arrêtait jamais de laver, de peindre, pour qui ? va savoir, pour rien, comme ça, pour pas sombrer, peut-être. Alors, ce petit moment dans sa voiture, c’est les vacances.
    
    Et la tarte de l’OPAC qui arrive avec ses cheveux méchés, ses grosses fesses et son grand nez, et ses dossiers, toujours des dossiers, elle vient « faire du social », juste avant l’huissier, après lui, y a plus que le camion de Bardelli et le commissaire de Police pour l’expulsion.
    
    Remarquez, des expulsions y en a plus beaucoup, les trouducs se débrouillent toujours pour avoir un soutien, un politique qui se fait la main, une assoc qui fait dans ...
    ... l’humanitaire ou dans la pêche aux électeurs pour un parti de gauche, ou de droite, je sais pas trop.
    
    Et tout ça, je le raconte à Odette comme je vous le raconte. Ça s’épuise vite quand même, j’ai quand même pas le temps d’espionner, juste je regarde, comme ça en passant, je vois, je garde et je livre à domicile.
    
    Mes parents ont renoncé à me dresser, et ils ne se font pas trop de souci, pour une seule raison, je crois ; je me lave. J’aime me brosser, j’aime sentir le savon, et aussi que ma chemise et ma culotte soient bien nettes. Juste pour moi, parce qu’il m’est jamais venu à l’idée que je me montre à quelqu’un. Juste des fois, ma belle-mère, Colette, elle asse la tête dans la salle de bains « Encore en train de te laver les fesses, t’inquiète pas, elles risquent rien » En rigolant, mais quand même. Des fois même, elle reste ; ça me gêne pas.
    
    D’ailleurs, c’est comme ça que la femme à Daniel le boulanger m’a repérée. « Propre comme tu es, tu es faite pour le pain du matin, celui du réveil, quand ça fait du bien de respirer le frais et la mie qui gonfle » et elle m’a embauchée, tous les matins, dès que j’ai eu l’âge, bon, un petit peu avant aussi, mais ça c’est entre nous et c’est prescrit et aujourd’hui j’ai grandi, parce qu’il y a toujours un ou deux crétins pour jouer la morale tout en se roulant dans la « chose » en parlant de minorité sans connaître le Code Pénal et en confondant la minorité légale et la minorité sexuelle.
    
    Sûr, que ça a fait des jaloux enfin, des ...
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