Papyrus
Datte: 22/03/2018,
Catégories:
nonéro,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... problèmes. Je voulais que ça marche lui et moi, mais en mon for intérieur, je sentais depuis le début que ça n’irait nulle part.
C’est en vivant avec lui que je me suis rendu compte que quelque chose clochait. La nuit. La nuit, il ne dormait presque pas. Il écrivait. Après le sexe, il écrivait. Jusqu’au matin, il écrivait. Et puis il allait bosser. Il se rattrapait dans la fin de journée, parce que c’était un moment qu’il détestait. Quand le jour mourait, il se couchait. Et puis, les quelques fois où il s’endormait avec moi, trop fatigué pour faire autre chose, il lui arrivait de se lever. De se lever dans son sommeil. Il arpentait l’appartement. Il parlait aux miroirs. Posait sa main dessus. Parlait. Les yeux ouverts, il parlait. C’était flippant. Vraiment. Ça me nouait le ventre. Je m’approchais de lui et je le guidais dans le lit. Il me disait :Je n’ai pas confiance en mon sommeil. Je lui disais :Il faut que tu voies quelqu’un, tu ne vis pas normalement. Il me disait :Ça a de l’importance, vraiment ?
On voyait peu de monde mais on en voyait un peu quand même. Son pote Paul, son pote Simon. Leurs copines. Une ou deux soirées ici et là. Pas plus. J’aurais aimé qu’on sorte, qu’on ait une vie sociale plus importante, mais il se renfermait quand je lui en parlais. Ça ne l’intéressait pas. Avec ses potes, il pouvait rester des nuits entières à écouter de la musique, à jouer à la console, à regarder des films. À vingt-cinq ans, ils n’ont rien d’autre à faire. Et le pire ...
... c’est qu’ils croient que c’est intéressant. Quand j’allais me coucher, je voyais bien qu’il était à la fois soulagé et déçu. Il fumait des pétards. Buvait un peu. Mais je crois que ça lui faisait peur. Autant que les soirées où le son passait fort. C’est ce fossé qui s’est creusé entre nous. J’aurais peut-être dû insister. Mais je voulais quelque chose de normal. Le jour où je suis partie, il a pleuré. Sans se cacher, il a pleuré. Devant moi. Et puis il a fermé la porte.
Thomas
À bosser à côté de lui toute la journée, il fallait bien admettre qu’un truc clochait. Un truc léger mais c’était là, derrière son regard, dans sa voix claire. En dehors des appels clients, il parlait peu. Prenait ses pauses tout seul. À ma connaissance, il ne s’était lié avec personne depuis qu’il était dans la boîte. Et ça faisait plus de quatre ans je crois. Il y avait bien cet informaticien, Vladic, avec qui il mangeait de temps en temps, mais c’était tout. Sur le plateau, les gens ne s’intéressaient pas à lui. Mais dans ces boulots, on ne se lie pas vraiment. On baise, on parle, on balance, on dit des vacheries dans des soirées creuses. Tout le monde crache sur tout le monde, tout le monde crache dans la soupe. Mais la soupe c’est vrai qu’elle n’est pas bonne. Alors, on se lâche. Sinon, on devient dingue. Tout le monde s’envoie des mails. Des infos circulent, en ligne interne, en ligne externe, sur portable, par sms. Pendant les appels, ils pensent à autre chose, ils pensent tous à ce qu’ils ...