Papyrus
Datte: 22/03/2018,
Catégories:
nonéro,
Auteur: HugoH, Source: Revebebe
... effet sur moi, c’était indéniable. Mais était-ce le contexte, son appartement faiblement éclairé, la pluie au dehors ou lui qui paraissait si tendu ? Je lisais. C’était visqueux. Liquide amniotique, fœtus, chair corrompue. Le texte gagnait en violence au fil des pages. J’ai fini les feuillets. Je les ai posés sur la table basse, à côté du gâteau sur lequel brûlait encore des bougies. L’étrange intensité qui tenait son regard avait disparu et ne subsistait plus qu’une tristesse, une légère amertume. Il avait du talent, j’ai dit :Tu as du talent. Ça a eu l’air de le soulager mais c’était bien peu en comparaison de la tension qui le tenait. Ce soir-là, je venais de découvrir quelqu’un que je ne connaissais pas. J’ai répété :Tu as du talent. Mais je me demandais ce qu’il pourrait bien en faire.
Lucas
Il aimait attendre le dernier moment avant d’enlever ses écouteurs. Il aimait aussi se signer discrètement lorsque les deux grandes portes vitrées coulissaient lentement. C’était un grand immeuble dans une grande ville. Sur le toit, de puissants sigles tailladaient le ciel ; lorsque les nuages étaient bas, ils teintaient l’air d’un halo sanguin. Il enlevait ses écouteurs, coupait son baladeur un mètre avant les portes coulissantes. Puis il entrait.
Laura
C’était quelqu’un d’étrange. Nous sommes restés ensemble près de deux ans. J’étais sa première petite amie sérieuse. Je crois que je suis restée la seule. Il avait déjà son appartement, alors nous nous sommes ...
... installés. J’étais amoureuse. J’étais tombée amoureuse tout de suite. Il me regardait avec beaucoup de force. Je veux dire, il était présent. Vraiment là, avec moi. Ça me changeait. Souvent, les gens sont ensemble sans vraiment l’être. On prend un café, on boit un verre mais on n’écoute pas. On baise mais on n’écoute pas. Personne n’écoute. L’esprit au bout d’un moment s’enferme sur ses problèmes, sur le lendemain, sur le ciel, sur le temps qu’il fera. On fait des gestes, on envoie des signaux. Mais on n’est pas là. Lui, c’était vraiment incroyable, il donnait l’impression d’être totalement présent. Il m’écoutait comme si sa vie en dépendait. Pourtant, qu’est-ce que j’ai d’intéressant ? Qu’est-ce qui pouvait bien le fasciner ? Comme s’il ne pouvait rien avoir de plus important au monde que moi. C’est ce qui le différenciait des autres. Je n’ai jamais lu ses poèmes. Il n’a jamais voulu. Je n’ai pas insisté. J’aurais peut-être dû. Mais je n’étais pas comme lui, je ne pouvais pas donner cette impression, je ne parvenais pas m’intéresser aux autres ni à lui comme il aurait fallu. Il ne m’a pas changée. Ou alors juste un peu. Ça sera peut-être suffisant. J’aurais peut-être dû. Ces gens, ces gens qui écrivent, qui font de la musique, qui peignent, ces putains d’artistes sont complexes. On dirait qu’ils portent leur ego sur toutes les parties de leur corps. Ils disent oui, ils pensent non. Ils disent non, ils veulent oui. Je savais que c’était important pour lui. Mais j’avais d’autres ...