1. Une maison bleue


    Datte: 11/12/2019, Catégories: ffh, exercice, aventure, sf, Auteur: Jean de Sordon, Source: Revebebe

    ... caoutchouc. Le bruit, la fumée, l’odeur acide du gaz, la sueur, la peur, la peur, la peur, l’émeute, la tempête, un vent de folie dans son cœur et ses yeux et sa tête. Entre les falaises verticales, clapiers de chiasse, des tiroirs pour ranger les êtres humains. Elle court, rejette en arrière ses cheveux roux empesés de sueur d’un mouvement de tête sec. Respire vite, durement et profondément, happant l’air comme on mord. De nouvelles explosions frappent indistinctement les G.M. et leurs opposants. Isa, jetée à terre par le souffle, état de choc, s’éloigne en rampant.
    
    Soudain, un cri : « Les logars ! » Petite Isabelle a eu grand tort de quitter la périphérie, ce soir. Grand tort de naître, peut-être bien.
    
    Les logars, la peste brune. Plusieurs milliers d’échines souples couleur de murailles, une marée affamée de fourrure, de petites pattes griffues, de dents. Ce soir les logars ont déserté leurs royaumes secrets dans les sous-sols pour défier les hommes. Ils envahissent la place et malheur à qui tombe sur le sol : aussitôt submergé, égorgé, saigné, dévoré vif en quelques minutes.
    
    À l’origine, les logars sont, étaient des animaux de compagnie. Gentils, mignons, rigolos, la coqueluche d’un été. Obtenus par croisements et mutation génétique, une excellente affaire pour Genentech qui en a écoulé plusieurs millions en un rien de temps. La mode. Chacun voulait son logar. Les choses ont mal tourné. À la seconde ou troisième génération, les jolies et si drôles petites boules ...
    ... de poils sont devenues méchantes, hargneuses. Des accidents ont eu lieu. Un enfant énucléé. La panique. Genentech a lancé des mises en garde. « Ne rejetez pas votre logar dans la nature ! » Trop tard. Soudain, les logars pullulaient. Libres de tout prédateur, ils ont nettoyé les villes de toute autre forme de vie animale : bouffé les pigeons jusqu’au dernier, éliminé la population ratière, plus un chat (éventrés ou en fuite), les chiens pas fiers ne quittent plus les appartements.
    
    Ce soir, les logars sont sortis en force, encouragés peut-être par la folie des hommes. Ils s’accrochent dents et ongles aux chevilles des hommes, ils sifflent, mordent, sautent au visage. La mort en fourrure.
    
    Elle court dans le hurlement des sirènes, le hurlement des hommes. Crépitement et chaleur des véhicules en feu. Dans une clarté rouge dansante, des silhouettes rapides se croisent, courbées en deux. Un mouchoir sur le visage. Bouffées suffocantes de gaz lacrymogène, larmes et sueur. Au loin, le mur noir compact desélectroflics piétinant au milieu des logars qui prélèvent leur tribu. Le bruit sec des matraques : des secousses de cent volts. On peut en mourir et on en meurt souvent.
    
    Alors elle court. Entre les clapiers de chiasse.
    
    Avoir vingt ans à FranceEst en 2050…
    
    Elle erre. Le service des tubes a été suspendu, une bombe a explosé au Centre de Régulation, le trafic reprendra demain, peut-être. Les yeux brûlés par le gaz, les oreilles bourdonnantes. Elle a essayé de dérouler ses ...
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