1. Mise en boîte


    Datte: 19/03/2018, Catégories: fh, jeunes, inconnu, pénétratio, init, Humour Auteur: OlivierK, Source: Revebebe

    Regrets éternels. À notre voisin. Ton mari inconsolable. À notre papy. Mes larmes ne tariront jamais. Les anciens d’AFN à leur camarade. Ce n’est qu’un au revoir.
    
    Voilà de quoi devenir sinon immortel, du moins gravé dans le marbre. Courtes oraisons funèbres, un débouché auquel je n’avais pas pensé.
    
    L’homme aux béquilles m’avait reçu avec un sourire triste.
    
    — Que puis-je pour vous, Monsieur ?
    — Je voudrais être reçu par monsieur Malangard.
    — Si c’est pour des obsèques, je suis à même de vous conseiller et d’organiser…
    — Non. Je suis à la recherche d’un emploi.
    
    Il a pris un téléphone, mais personne ne décrochait à l’autre bout. Cinq longues minutes plus tard, il a dit qu’il avait en face de lui un jeune homme qui cherchait du boulot. Puis il m’a déclaré que je n’avais qu’à patienter. Les éditeurs m’y ont habitué.
    
    - C’est pour des copines que vous avez écrit ces poèmes ? Soyons francs, le public s’en moque, de vos joies et peines d’amour. Ah ! Si vous étiez une chatte anglaise… Revenez avec autre chose… Votre roman ? Essayez plutôt le polar, un peu plus brut de décoffrage, ça vous prendra moins de temps et ce sera plus facile à lire. Ou le cul. Vous ne ferez pas plus mal qu’un autre. Ou nègre, tiens ! Avec tous ces politiques qui veulent que leur nom figure sur une couverture ! Ou les sportifs. On n’a même pas besoin de les écouter, une virée dans les archives de L’ÉQUIPE pour les dates, et on invente le reste.
    
    Il devait tenir le même discours à nombre ...
    ... de plumitifs avides de gloire. J’en ai pris mon parti. Je prépare, à mon rythme, un concours administratif. Du diable si je ne suis pas contrôleur de quelque chose, un jour. OuAgent de constatation et d’assiette des Impôts, comme dit la brochure. On doit pouvoir bouffer, avec un tel job. Et tâter, qui plus est.
    
    En attendant, pour mon père je suis un raté. Avec les sublimes poèmes que j’écris pour les filles ? Bon, honnêtement, ce qu’on a dans le ciboulot, elles s’en foutent, les frangines ! Elles sont plus intéressées par le contenu de notre slip. Tiens, je m’y fais, au style brut de décoffrage ! Foin des élégies qui font rigoler, style pompeux limite pompier. Halte au lyrisme ! Quelques histoires érotiques gratos pour Revebebe, torchées en vitesse, histoire de ne pas trop perdre la main et de faire s’activer celle des lecteurs. Pas trop sûr, cette fois. D’aucuns vont estimer qu’il ne faut pas plaisanter avec ça. Eh bien, à la grâce de Dieu !
    
    À la fin d’une fête triste, comme toutes les fêtes, Audrey, une bonne copine, me dit qu’on trouve pour l’instant du boulot chez son oncle, qui est le patron de la plus grosse affaire de Pompes Funèbres de la ville. À l’idée d’être obséquieux devant la Camarde, je rigole un bon coup, j’en tire un avec la brune Audrey et voilà pourquoi j’attends aujourd’hui, en face de l’infirme.
    
    — Le bureau de mademoiselle est au fond du couloir, me dit-il enfin.
    
    Le téléphone avait tinté, il avait écouté et répondu :
    
    — Oui, mademoiselle ...
«1234...7»