Les moches sont les pires des salopes - Histoires de Sexe

Les moches sont les pires des salopes

... jamais été de personne. Nous nous sommes accordés ce matin pour une pratique de l’amour pervers ; il ne te revient pas seul d’en choisir les scénarii.

La scène se poursuivit un grand moment sous mon regard médusé et, tandis qu’elle lui coulait les yeux de Chimène, lui singeait sans vergogne ceux du loup de Tex Avery. Elle se leva pour se rendre aux toilettes et corriger son maquillage, me dit-elle. Lui avait-elle adressé un signal ? Il l’y suivit presqu’aussitôt.

Avez-vous vécu de ces secondes que la jalousie distend en siècle ? Elles sont la résultante stupide et magnifique de l’amour. Elle revint l’air hilare et satisfaite d’elle.

— Aux toilettes, il est venu droit sur moi et m’a interpellée : « Je vois bien que les fougues de la jeunesse ne savent vous combler, mais j’y suis quant à moi pleinement disposé. Il faut admettre que ces freluquets n’apprécient guère que les tas d’os et sont aux charmes de belles rondeurs réfractaires. Préférez-vous consommer ici ou dans ma chambre dont je vous donnerai le numéro ? » Puis il a voulu m’embrasser.
— Et tu l’as laissé faire ! me suis-je étranglé d’indignation.

Elle se recula et, avec un regard noir de reproche, poursuivit :

— Pour qui me prends-tu ? Je l’ai violemment giflé et il a réagi en lâchant : « J’ignorais qu’en cet établissement honorable les catins eussent droit d’entrée ! » À quoi je lui ai répondu : « Il faut croire néanmoins que leur présence vous agréerait et que vous seriez tout prêt d’en faire votre ...

... ordinaire. » Mais laissons là. Cette péripétie m’a appris, premièrement, que je pouvais te rendre jaloux, et donc que tu m’aimes bien au-delà de ce que tu me déclares.
— Mais comment… Je ne cesse de te le répéter.
— Oui, avec des mots exsangues et tant de parcimonie qu’il m’a fallu inventer ce stratagème pour y discerner un peu de conviction. Deuxièmement : que tu aurais à la rigueur sinon admis, au moins compris, qu’une quelconque Barbie te soumette à cela mais qu’une affreuse adipeuse ne sache se satisfaire de ce don fastueux de ton auguste personne, voilà qui te dépasse. Troisièmement : j’ai le sentiment très vif qu’en dépit de ta contrariété, le fait qu’un autre me désire t’a réellement excité.
— Il y a peut-être un fond de raison dans ton dernier argument, mais je récuse complètement le second.

Au moment où nous quittâmes le restaurant, je vis le vieux monsieur, l’air ulcéré, sortant à son tour les toilettes et je distinguai nettement une marque rouge sur sa joue. Il allait falloir que je me méfie, car la couperose semblait contagieuse.

Nous rejoignîmes notre chambre, pour une sieste, annonça-t-elle. Tout me laissait présager qu’il n’en serait rien car si j’étais sorti de cet épisode très agacé, elle n’en était pas moins énervée. Brusquement, là, elle se montra indécise, pleine d’embarras qui ne lui étaient guère familiers. Peut-être regrettait-elle le singulier incident qu’elle venait de me faire vivre ? Cela ne suffisait, autre chose la tarabustait. Au bout d’un ...