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Le parfum du désir
Datte: 25/11/2025, Catégories: Collègues / Travail Auteur: Landeline-Rose Redinger, Source: Revebebe
C’est dans un café de mon quartier qu’aujourd’hui, je retrouve Colin Durand. Colin Durand n’est pas à proprement parler un chercheur, bien qu’il passe le plus clair de sa vie à l’INSERM. Tout au moins, l’objet de notre rencontre, s’il émane de ses trouvailles personnelles, n’a en somme aucun lien avec ses recherches professionnelles. C’est vêtue d’un jogging à capuche et de baskets que je me rends à son rendez-vous. Et ce détail vestimentaire n’est pas sans importance dans la suite de l’expérience menée par Colin Durand. Ni maquillée ni parfumée, les cheveux noués par un basique élastique, lunettes noires, j’entre dans le Grand Café où, déjà, Colin Durand s’affaire devant l’écran de son ordinateur de poche. Poignées de mains échangées, Colin Durand m’explique d’une manière simple, dénuée de toute théorie, le principe même de l’expérience dont je vais être sinon le cobaye, tout au moins l’électron attracteur par qui devra passer le courant alternatif du désir. Traverser les rues de mon quartier sous la capuche d’un ample sweat-shirt ne m’est pas habituel. Aux footings que je pratique avec régularité, j’associe bien généralement un collant qui moule au mieux mes fesses et un maillot qui met en valeur ma poitrine. C’est en somme et uniquement pour que l’on m’observe, que l’on me scrute, que l’on appuie son regard, de facto, pour que l’on me désire. La source du désir des hommes est au rythme de l’irrigation de mon plaisir. Mon plaisir humide. Or, m’en allant ...
... rejoindre Colin Durand, je ressens cette petite frustration de n’être point visible, bien que je fusse d’emblée et sans hésitation volontaire, adhérent sans condition au projet de ce jeune homme, disons-le, un peu fou. Une forme moderne de professeur Nimbus à la chevelure hirsute, chaussé de Doc Martens violets et d’un ample manteau. Trop pour lui. Trop ample. Dans le café d’où Colin Durand me fait un signe de main, chaque table est occupée et une brume de fumée s’étale comme un drap de lin blanc. Je m’assois en face de lui. Il m’invite à me rapprocher en inclinant vers moi l’écran de son portable. Comme une broche sans esthétique, Colin Durand pince un petit appareil sur le tissu de mon tee-shirt au creux de ma poitrine. Je n’ai ni quitté ma capuche, pas plus mes lunettes solaires. Consigne de Colin Durand. Au même titre que les courants d’air chauds et froids, que les rayons lumineux qui difractent la poussière, semblablement aux échos sonores, Colin Durand définit le désir comme une onde continuelle dans l’espace. Un courant électrique générant une intense luminosité ou la faiblesse d’une bougie. Donc Colin Durand recense un ensemble de facteurs causals de la propagation du désir. Ainsi, dit-il, le corps des femmes serait l’émetteur-récepteur le plus chargé des résonances magnétiques du désir. Il convient d’y adjoindre toutes formes visuelles, auditives, olfactives ou sensitives pour augmenter la densité du désir. Le désir serait un être protéiforme. Croyons-le ! Sachant, ...