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Le club des désespérés
Datte: 23/11/2025, Catégories: #société, #romantisme, #lieuderencontre, fh, gros(ses), hotel, amour, Auteur: Amateur de Blues, Source: Revebebe
... poétesse échange des poèmes contre un repas chaud. Est-ce que ce n’est pas juste ? J’aime le matin, la nuit, l’orage et le bruit du vent dans les branches des arbres. Je n’aime pas la brutalité et les épinards. Je ne suis pas une personne très compliquée, mais je refuse absolument de faire semblant. Le pire serait de faire semblant d’être heureuse. Mais je refuse aussi de me plaindre. De quoi peut-on se plaindre quand on choisit son destin ? Il me reste à vous dire ce que j’attends de cette rencontre, c’est le plus délicat. Le plus simple est d’avouer que je n’en attends rien, que je ne crois plus à ce genre d’initiative. C’est sans doute votre cas également, après tout, nous sommes des cas désespérés, n’est-ce pas ? Et pourtant, je suis là, comme une droguée qui sait que le produit qu’elle s’injecte la tue à petit feu, droguée à l’espoir. Comment peut-on vivre si on cesse d’espérer ? J’espère, sans y croire, rencontrer une personne qui me regarderait vraiment, qui saurait me voir, moi, telle que je suis au-delà de cette enveloppe corporelle que je déteste et qui me définit pourtant malgré moi. Voilà. Je ne sais pas, j’ai peut-être été un peu longue, les poétesses ne comptent pas quand elles s’épanchent, voyez-vous. Pendant tout le temps de son monologue, Sofia n’a cessé de le fixer, les yeux brillants, comme habitée par la fièvre. Lui a bien veillé à ne pas croiser son regard, il en est bien incapable. Il fixe sans la lire la petite fiche devant lui. Qu’a-t-il retenu ...
... de cette présentation ? Pas grand-chose en vérité, ses oreilles bourdonnent, son cœur sonne le tocsin, mais, tout de même, il a écouté sa voix et l’a trouvée d’abord agréable, puis délicieuse, et quand elle se tait, il lui semble qu’on l’abandonne, qu’on le jette à nouveau dans ce monde où il a tant de mal à être. Mais si elle se tait, c’est que c’est à lui de parler. Il est un cas désespéré depuis longtemps, ce n’est pas la première fois qu’il vient. — Je m’appelle Antoine et c’est mon vrai prénom, celui qu’a choisi ma mère. Je serais bien incapable d’en inventer un autre ou même d’avoir l’idée que je pourrais en choisir un autre. J’ai quarante-deux ans. Je tiens à le dire, car cela me semble vieux et je ne voudrais pas vous leurrer en quoi que ce soit. Contrairement à vous, j’ai beaucoup fait semblant dans ma vie, mais je ne veux plus. Je ne peux plus me le permettre. Je suis ingénieur. C’est mon métier et c’est ce qui me définit le mieux parce que j’ai toujours mis toute mon intelligence dans mon travail. Rationaliser et organiser le travail des autres, je suis bon pour cela et j’en suis fier. C’est un métier qui était particulièrement valorisé quand j’ai commencé à travailler, mais on pense de plus en plus que l’IA peut faire mieux que nous. Nous vivons un crépuscule de l’intelligence, vous savez. Mais peu importe. Vous vous en moquez bien que j’aie un bon salaire, et ma peur du chômage à venir ne doit pas vous intéresser beaucoup. Si je veux être honnête, c’est autre ...