1. Compartiment couchettes


    Datte: 17/09/2019, Catégories: fh, extracon, inconnu, train, amour, occasion, Auteur: Clovis, Source: Revebebe

    ... premiers termes qui vinrent à l’esprit de l’arbitre pour qualifier le quadragénaire. Ennemi du calme et de la discrétion, ce dernier était de ceux qui avaient besoin de faire la publicité de chacun de leurs gestes. Et malgré la présence de François qui faisait mine d’être plongé dans sa lecture, l’homme se satisfaisait à coups d’onomatopées en abreuvant celle qui semblait être sa femme de commentaires tous plus acerbes les uns que les autres.
    
    Ce n’est que vingt-cinq minutes plus tard, alors que l’on distinguait dans un ciel bleu déclinant les premiers champs de betteraves de Seine-et-Marne, que l’homme s’assagit enfin, en partie affalé sur la couchette destinée à sa compagne tandis que celle-ci déchirait les emballages contenant les draps et préparait le lit de son conjoint.
    
    — Tu me rejoins quand tu as fini ! Je file faire la queue au wagon-restaurant…
    
    Directif, le garçon. Elle ne répondit pas. Peut-être la colère, peut-être la peur de proposer une voix étranglée devant un inconnu, aussi. Dos tourné, elle poursuivit ses rangements, déposa sur la couche supérieure située juste en face de celle de François le pyjama de son mari, avant de sortir d’une grosse valise à roulettes une nuisette en soie mauve.
    
    — Vous avez besoin d’aide ? osa François alors qu’elle s’apprêtait à soulever le bagage.
    
    François joignit le geste à la parole, mit pied à terre. Il se pencha derechef, attrapa la malle par la poignée centrale et, malgré son gabarit, l’encastra non sans mal ...
    ... sous la couche qu’elle entendait occuper le temps du voyage.
    
    — François Dujardin, se présenta-t-il en lui tendant la main. Je vais à Castres, ajouta-t-il.
    — Mylène, répondit-elle plus par correction que par envie.
    
    Un bref instant le visage de cette femme aux traits fins s’illumina. Pas de maquillage, mais de jolis bijoux mettant en valeur une peau légèrement hâlée : boucles créoles en or et collier de véritables perles noires de Tahiti. Et un superbe diamant ornant son index gauche. Elle sentait bon la vanille, également, ce qui eut pour effet d’embaumer l’esprit de François.
    
    — Je dois vous laisser, ajouta-t-elle pour couper court à toute discussion. Mon mari m’attend.
    
    Par réflexe, elle resserra les pans de sa veste tailleur sur sa poitrine puis sortit précipitamment du compartiment. De nouveau seul, François fut soudain envahi par un vague à l’ âme incompréhensible. Que lui arrivait-il ? Il tenta d’échapper à cette torpeur en reprenant sa lecture, mais il ne restait rien des quelques pages qu’il feuilleta. Il se décida finalement à stopper son effort et sortit de la cabine à la recherche de cette femme qui semblait si malheureuse et dont il ne savait rien.
    
    Il commandait une eau minérale lorsqu’il l’aperçut enfin, debout à quelques mètres, figée sur la nuit qui tombait sur l’Orléanais. Son mari, lui, mastiquait un sandwich tout en lisant avidement un quotidien du jour. François fila s’asseoir à quelques pas, sur un strapontin, s’emparant au passage d’une revue ...
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