1. Compartiment couchettes


    Datte: 17/09/2019, Catégories: fh, extracon, inconnu, train, amour, occasion, Auteur: Clovis, Source: Revebebe

    La passion des trains et des gares, François l’avait depuis toujours. Pourquoi ? Il n’aurait su dire. Peut-être la suite logique de ce magnifique cadeau composé d’une locomotive électrique et de tout l’attirail du parfait chef de gare que sa marraine lui avait offert pour son neuvième anniversaire… Peut-être tout simplement le plaisir des départs vers des contrées inconnues, au moment des grandes vacances, dans un lointain village pyrénéen où atterrissaient nombre d’enfants de fonctionnaires de la mairie de Paris pour plusieurs semaines de bonheur et d’amitiés en devenir.
    
    L’adolescence passée, cette passion s’était peu à peu atténuée, banalisée. La fréquence de ses passages dans les gares ne lui occasionnait plus le même émoi, mais il restait foncièrement attaché à cette indolence que procurait le monde des rails, au temps arrêté et à la contemplation et à la paresse.
    
    La vieille gare d’Austerlitz n’était pas sa préférée. Sombres et lugubres à souhait, les accès souterrains aux quais, un vendredi soir, semblaient parfois plus inquiétants qu’une visite nocturne du Père-Lachaise. Mais François n’avait pas le choix. Un livre de poche à la main, son sac de voyage en bandoulière, il se rua dans la cabine de 1re classe que la ligue nationale de rugby lui avait réservée.
    
    Le compartiment était vide. La lumière chaude et tamisée de l’endroit le rassura. Il déposa son sac de sport sur l’une des couchettes basses, se délesta de sa veste qu’il coucha sur son bagage, fit trois ...
    ... pas en direction de la vitre, releva le store, et observa quelques voyageurs pressés de gagner leurs sièges ou leurs couchettes. Puis, à un quart d’heure du départ pour Toulouse, il grimpa sur l’une des deux couchettes supérieures, se positionna confortablement sur le dos, la tête bien calée sur son oreiller, et se replongea dans sa lecture au moment où les moteurs de la locomotive se mirent en branle.
    
    Le départ fut enfin annoncé. François, toujours seul dans sa couchette, redressa la tête de son polar. Les derniers voyageurs se précipitaient à grands pas sur le quai. La motrice et les rotatives s’agitèrent enfin. Des bruits résonnèrent dans le couloir feutré du wagon, les retardataires cherchaient leur emplacement, se contorsionnaient sur la pointe des pieds pour fixer les lourdes valises dans les range-bagages, parfois s’excusaient du dérangement.
    
    L’arbitre international de rugby crut qu’il allait échapper à la bourrasque lorsque la porte de son compartiment glissa pour s’ouvrir sur un type à la quarantaine assurée, costume trois-pièces, qui se passa des salutations de circonstance. Suivait de près une brune légèrement plus jeune, magnifiquement vêtue d’un tailleur gris anthracite ouvert sur un chemisier vert émeraude qui se mariait parfaitement avec la couleur de ses yeux. Comme gênée, elle baissa aussitôt la tête. Et pour cause, sa mine triste et son regard éteint firent penser à François qu’elle avait récemment pleuré.
    
    Imbuvable, puant, obséquieux furent les ...
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