Le Livre de la Génèse
Datte: 24/08/2019,
Catégories:
nonéro,
Humour
policier,
fantastiqu,
Auteur: Brodsky, Source: Revebebe
... peux-tu m’expliquer ce que tu fous là ?
— Eh bien, c’est assez incroyable à expliquer… Disons qu’il y a bien une vie après la mort. Mais pas grand-chose à boire ; et surtout, on baise pas beaucoup. Alors, tu parles, je me faisais chier, tu peux même pas imaginer.
— Et ?
— Et le Boss a décidé qu’il était temps d’intervenir, que tu avais besoin d’un ange gardien pour accomplir ta mission sur Terre. Il cherchait un volontaire…
— Et tu t’es proposé…
— Z’étaient pas légion, remarque, les volontaires… Il a fallu que je m’engueule un peu avec Brassens et Henri IV. Gainsbarre serait bien venu, mais ton type de nanas ne lui convient pas trop, il n’a pas insisté.
— Bon, et alors, tu viens pourquoi ?
— Pour t’aider…
— M’aider à quoi ?
— Écoute, Brodsky, on va pas se faire des phrases… Tu sais très bien que ma mission, en réalité, j’en ai pas grand-chose à foutre. Je vais pas être là à te dire « Joue pas, jure pas, bois pas » comme dans la chanson* ; je suis venu pour m’en payer une bonne tranche avec toi, boxer ceux qui t’emmerdent, et corriger un peu tes bouquins.
— Mais personne n’en veut, Hank, de mes bouquins…
— Ben justement, je suis là pour que ça change… Pour commencer, tu laisse tomber tes poésies.
— Tu rigoles, c’est ce que je préfère…
— Et tu as raison, sauf que personne ne te les prendra. Les poètes maudits, ça ne se vend que quand ils sont déjà célèbres pour autre chose, ou bien morts…
— Mes nouvelles…
— Oublie aussi pour l’instant…
— Pourquoi ?
— Les ...
... Français ne lisent pas les nouvelles. Tu serais en Amérique, oui, ça pourrait marcher. Mais pas ici…
— Mes romans non plus, Hank…
— Parce que tu restes le cul entre deux chaises… Dans tes bouquins, il y a des pourris, mais personne ne leur casse la gueule ; il y a des amoureux, mais personne ne baise. On hésite tout le temps entre le rire et les larmes, entre la provoc’ ou la leçon de vie…
— Ça s’appelle apporter de la nuance…
— Ouais… Ça s’appelle surtout vendre peau de balle, mec.
— Et alors, qu’est-ce que tu préconises ?
— Lâche-toi…
— Hein ? Comment ça ?
— Installe-toi devant ta machine, petit… et verse-nous un verre. Tu es prêt ? C’est parti…
Alors je me suis mis à taper comme un sourd sur le clavier de ma vieilleRemington, sous les conseils avisés et le regard à la fois tendre et sarcastique de mon coach. Un peu n’importe quoi : des chroniques sociales, des histoires d’amour, des romans d’aventures, tout ce qui me passait par la tête. Je torchais plusieurs chapitres par jour tandis que le Vieux picolait mon sky et me professait ses leçons de littérature.
— D’où tu les sors, tes clodos, petit ? La tête ailleurs et les pieds dans les nuages, avec un QI de 250, en plus… C’est du n’importe quoi… La plupart des clochards sont des abrutis. Pas toujours au départ, mais après avoir bu n’importe quoi pendant deux ou trois ans et dormi dans des jardins publics, je t’assure qu’il ne reste plus grand-chose à sauver dans leur cerveau. Et puis, tes bons sentiments, tu peux ...