On ira tous au paradis mêm' moi
Datte: 22/08/2019,
Catégories:
nonéro,
mélo,
Auteur: Patrick R. D., Source: Revebebe
... entièrement à mes études. J’y trouvais même du plaisir, et finalement les quatre années de collège se déroulèrent très bien. J’avais enfin de bonnes notes, mes professeurs m’appréciaient et mes parents me donnaient presque l’impression d’être fiers de moi. À leur manière.
Car, malheureusement, le collège fut aussi synonyme de puberté. Je devenais petit à petit une femme. Je ne m’en rendis pas compte alors. Je devenais une femme, je le sais aujourd’hui, mais à ce moment j’appris surtout que je devenais une pute.
C’est ce que j’entendis l’été de mes quatorze ans, quand j’eus mes premières règles. Grâce à l’internat, je savais ce que c’était. Ma mère ne m’en avait jamais parlé. Mais, à l’école, on en avait parlé avec les copines. J’étais une des dernières à ne pas les avoir encore eues. J’étais presque jalouse.
Le jour où elles sont arrivées, j’ai pleuré. Et j’ai regretté de les avoir déjà. Je n’ai pas pleuré parce que j’avais mes règles, mais à cause de la réaction de ma mère.
— Et voilà, maintenant tu vas te mettre à faire la pute ! Va te laver ! Tu me dégoûtes !
La pute.
Ces mots étaient destinés à sa fille de quatorze ans. Ce jour-là, je suis réellement devenue une femme. Avec mes règles, mais, surtout avec les paroles de ma mère, je devenais adulte.
C’est ce jour-là, presque naturellement, que je commençai à ne plus aimer ma mère. En fait, désormais, je la haïssais. Le changement a été brutal dans mon esprit, comme si une porte s’ouvrait enfin. D’une ...
... certaine façon, je prenais ainsi mon indépendance.
Mon psy en a vu d’autres, j’en suis sûre. Avec ses patients, il doit en entendre. Mais j’ai bien vu qu’il était étonné quand je lui ai raconté cet épisode de ma vie.
Mon psy, parlons-en. C’est Émilie qui m’avait convaincue d’aller le voir. Au début, je ne savais pas vraiment pourquoi j’y allais, ni ce que j’espérais qu’il en sorte. C’était un bel homme, assez grand, mince, aux tempes grisonnantes lui donnant le charme d’un intellectuel cultivé. Je crois qu’un temps j’ai été amoureuse de lui. Il paraît que c’est normal, que ça fait presque partie de la thérapie. Sa distance aussi. Et ça, être distant, il pouvait l’être. C’est cette distanciation qui m’a le plus aidée. Jamais je n’ai été jugée. Jamais non plus il n’a jugé ma mère. Mais toujours, patiemment, il m’a écoutée.
Au début, je repartais frustrée de ces séances. J’espérais tant qu’il me dise quelque chose du style : "Votre mère est un monstre".
Pour mes amies, c’est ce qu’elle était. Un monstre. Je ne leur ai jamais tout raconté, mais il n’en fallait pas beaucoup pour qu’elles se fassent leur opinion. Ma mère était un monstre.
Et Dieu sait qu’elle a tout fait pour que je pense qu’elle l’était. Mais, au fond de moi, même quand je la détestais le plus, je ne pouvais l’accepter. Elle était toujours ma mère.
Quand elle m’a traitée de pute, ce qualificatif est entré en moi et s’y est gravé au fer rouge. Elle devait avoir raison.
Peu à peu, j’ai commencé à ...