La révolte des démunis
Datte: 05/08/2025,
Catégories:
sales,
nonéro,
mélo,
portrait,
Auteur: Melle Mélina, Source: Revebebe
... passer du temps chez les Petits Frères des Pauvres. Elle n’aurait rien à craindre et même son chien aurait de quoi se sustenter.
— Même Brutus ?
— Oui, c’est promis, je te l’assure.
C’est seulement après l’avoir rassuré quant au bien-être de son chien, qu’elle accepta de la suivre. Il fallait user d’arguments pour la convaincre de se laver, de manger – elle ne voulait être redevable envers personne –, et une fois assurée qu’elle ne devrait rien, elle cédait finalement aux requêtes des bénévoles.
Débarrassée de sa couche de crasse, la Clodo était une très belle femme. Elle avait des yeux noisette qui pétillaient de malice, une jolie fossette qui rendait ses rares sourires en moments charmants, un visage harmonieux et un corps qui devait à coup sûr, être l’objet de concupiscence.
Ce jour-là, elle dévora une assiette gargantuesque de pâtes à la Bolognaise, à tel point que la nonne se demanda où elle pouvait emmagasiner tout ça. Il est même possible qu’elle eût mangé plus que son chien.
Marie-Thérèse la regardait. De la voir manger tout en parlant à son chien comme si ce dernier profitait des conversations, réchauffait le cœur. Encore aujourd’hui, la sœur ne saurait dire pourquoi elle avait d’autant d’affection pour elle, mais le fait était là, elle l’adorait.
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Un autre jour, tandis qu’elles se baladaient, elles dépassèrent une affiche publicitaire pour des logements flambants neufs qui promettaient une belle vue sur la mer, non pas une belle ...
... vue, une vue « exceptionnelle ». La Clodo enragea :
— Bin voyons, y a que les friqués qui ont le droit d’avoir une belle vue ! Les autres, les sous-merdes, ils ont droit à quoi ?
Quoi lui répondre, sinon de dire que la vie n’était pas juste ? Puis, elle continua de développer ses pensées en un flot continu. L’argent gangrenait le monde, rendait les hommes mauvais et toujours plus insatisfaits. Ils pensaient trouver le bonheur en s’achetant une nouvelle télé ou le nouveau smartphone à la mode. Comme s’ils allaient combler le vide dans leur cœur en se gavant d’achats superflus ! Convaincus qu’ils ne sont plus rien sans ça, occupés à remplir le trou dans leur âme, ils veulent acheter le bonheur.
Quel était le but… ? Quel était leur but ? Cracher à la face du monde leur réussite sociale ? Montrer aux autres qu’ils sont plus forts, plus beaux, plus riches, que ce sont des mâles alpha ?
Elle digressait très souvent, il n’était pas évident de suivre le cours de ses pensées et de ses réflexions. Et elle ne s’arrêtait plus, les robinets étaient ouverts, elle avait tant à dire et redire.
Dans la nature, affirmait-elle, les mâles les plus forts ont droit aux meilleurs emplacements, ont droit aux faveurs des femelles. Nous ne sommes rien de plus que des chimpanzés, des animaux. Il n’y a plus aucun doute, Darwin avait raison : nous descendons du singe.
La sœur sourit : toujours sa provocation. Cela faisait bien longtemps que l’église avait revu sa copie quant à l’évolution ...