La révolte des démunis
Datte: 05/08/2025,
Catégories:
sales,
nonéro,
mélo,
portrait,
Auteur: Melle Mélina, Source: Revebebe
... artiste portant ce prénom, une sculptrice aveugle, mais elle ne correspondait pas à la Clodo. Sans que lui-même ne comprenne pourquoi, une curiosité assez particulière le poussa à aller plus avant dans ses investigations. Qui était-elle ? D’où venait-elle ? Quel âge avait-elle ? Il mourrait d’envie d’avoir des réponses.
Néanmoins, il ne trouva guère d’autre trace que la mention d’une Soliflore sur le site des copains d’avant, sur une photo d’une classe de CM1 à Lille. Difficile à dire, était-ce elle ? Une petite brune au large sourire affiché. Si c’était elle, alors, après un calcul, elle devait avoir 32 ans. Il imprima la photo, l’agrandit puis la déposa dans un cadre photo pêle-mêle.
oooo0000oooo
Sœur Marie-Thérèse était toujours à ses côtés lorsqu’elle enregistrait l’émission en public.
Une fois l’aventure dans la rue terminée, les candidats se retrouvaient dans un studio avec public pour raconter leur expérience. Soliflore était témoin et devait donner son avis d’expert quant à la façon dont le ou les candidats s’étaient débrouillés dans la rue. Elle devait leur attribuer une note à laquelle s’ajoutait celle du « public ». Un classement était alors établi, et selon la place que le candidat occupait, il gagnait une prime.
Soliflore devait se contenir pour ne pas exploser, et Lucas, dans un coin de sa tête, avait la même crainte : que sa clocharde experte explose devant cette comédie, cette hypocrisie, cette ironie, ce dédain affiché. C’est pourquoi la sœur ...
... demeurait non loin d’elle, endossant le rôle de coach pour qu’elle reste dans les clous de son contrat et ne pas faire de vague.
Les émissions étaient censées être en direct, mais elles ne seraient diffusées qu’une semaine après l’enregistrement, le temps pour la production de faire des coupes, de choisir les bons angles et de bien scénariser toute cette mascarade. Même Sœur Marie-Thérèse devait réprimer la colère que tout ce cirque lui inspirait, alors, pour la Clodo, ce devait être une gageure inimaginable de taire ce qui grondait dans ses tripes.
Il y avait des chauffeurs de salles, des personnes payées pour faire applaudir le public au bon moment ou leur faire arracher des larmes factices. Ils avaient des panneaux qu’ils plaçaient devant le public sur lesquels il était noté : « Applaudissez », ou encore « rire ».
« Marie, tu peux me rappeler ce que je viens foutre dans tout ce bordel ? » lui demandait-elle régulièrement. La religieuse lui assurait qu’elle le faisait pour donner de la visibilité à ceux qui n’en avaient pas, lui rappelait qu’elle pourrait interpeller les pouvoirs publics pour ouvrir des places dans les foyers, de permettre aux déshérités de faire les poubelles des supermarchés, d’interdire à ses mêmes supermarchés d’empoisonner la nourriture jetée.
L’émission était un carton et le public raffolait de Soliflore. Elle était devenue, l’espace de trois épisodes, une figure emblématique. Dans la rue, les passants lui demandaient de faire des selfies ...