1. J'ai eu 30 ans


    Datte: 01/07/2025, Catégories: fh, couple, anniversai, amour, reconcil, caresses, pénétratio, nostalgie, portrait, Auteur: Amarcord, Source: Revebebe

    ... la nostalgie, ce sentiment qui est un luxe dont je n’ai pas le temps :
    
    Finalement, je m’aperçois tardivement qu’il a écrit de bien jolies lignes, le Maxime, le béguin folk de ma mère. Est-ce qu’elle lui parlait aussi, cette chanson-là, qu’elle fredonnait parfois quand j’étais petite ? Ou est-ce l’autre, celle qui accompagne mes trente ans qui la rendit elle-même autrefois songeuse ?
    
    Parfois, il me vient l’envie de lui poser la question, mais pourquoi l’inquiéter inutilement ? Allo maman bobo, si maman si, si seulement je savais pourquoi j’ai parfois envie de fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve… Ta fille est une peintre qui ne peint plus. Ta fille a trente ans. D’ailleurs, on dit plutôt une femme, désormais. C’est le temps des doutes, moi qui n’en ai jamais eu, « le temps de plus d’excuses », me souffle la chanson :
    
    Alors il y a quelques mois, j’ai remis une toile sur le chevalet. Puis une autre. Puis une autre encore. J’ai peint sans arrêt, saisie par la fièvre. Presque jour et nuit. C’était maintenant, maintenant ou jamais. Le dernier appel avant l’embarquement, avant la fin de ma jeunesse, et j’avais envie de décoller, un besoin d’autres horizons, presque une révolte. Jules ne l’a pas compris, et comment lui en vouloir ? C’était incompréhensible, ça ne lui laissait que si peu de place, dans ma vie, dans mes bras, dans nos draps.
    
    Dans un couple, on appelle ça une crise. On accable l’autre ou le temps qui passe. Peut-être avait-il raison de m’en vouloir, ...
    ... Jules, raison d’être inquiet, sans doute avait-il des excuses pour être aussi irrité, agacé par cette femme soudain si peu disponible pour l’amour, mais qui se brisait comme une petite fille, impulsive et exigeante, avec ses « dis-moi, c’est quand qu’on va où ? » C’est fou ce qu’il a déteint sur moi, Jules. Cette manie de fourrer sans arrêt des paroles de chansons dans sa conversation, en m’expliquant qu’elles finissent toutes par livrer un portrait plus fidèle de nos vies que l’album photo…
    
    Mais je reprends mon croquis. Je ne vais pas m’appesantir sur cette crise, assez profonde, ces premières rides menaçant notre relation, alors que rien de tel n’était encore apparu sur nos visages. Je vais plutôt vous dessiner ma matinée d’hier, mes trente ans et quelques poussières.
    
    J’étais dans la petite chambre convertie en atelier, un capharnaüm au sol couvert de vieux draps pour protéger le parquet, vêtue de mon ample chasuble de peintre. La lumière était belle, il faisait chaud, je peignais, la fenêtre ouverte. J’ai entendu les clefs fouiller la serrure, la porte se refermer, les pas de Jules se diriger vers la cuisine, et puis bientôt revenir, comme s’il avait perçu quelque chose d’anormal.
    
    Les pas se sont rapprochés, la porte s’est ouverte.
    
    — Fiona ? Tu es là ?
    — Comme tu le vois. Tu es allé faire des courses ?
    — Toute la bande deLa Belle École débarque ce soir.
    — Je le sais, puisque j’en fais partie.
    — Faut que je prépare à manger.
    — Laisse-moi deviner. Poivrons ...