Deux petits bouts de toi ! - Histoires de Sexe

Deux petits bouts de toi !

... Inutile de lui montrer mon visage, parce que mes yeux parleraient pour moi. Mon regard embrumé est mille fois plus explicite que les mots que ma gorge nouée ne veut pas décrocher. Lui ne bronche pas, se contentant d’un signe vague de la main alors que je file, ou plus justement que je fuis cet homme. Dans mon rétroviseur, sa silhouette s’amenuise au fil des mètres qui nous séparent, et en moi… Paul grandit d’autant au rythme affolé des battements de mon cœur.

Je connais, les jours suivants, des moments complexes. Je surfe à certains moments sur un petit nuage et les instants d’après, dans un état d’abattement qui fait de moi une morte vivante. Une loque… oui, c’est bien cela, une loque, tout juste capable de mettre un pied devant l’autre. Mes pensées se bousculent, euphoriques, pour sombrer en quelques secondes dans un marasme sans fond. Plus les jours passent et moins je suis lucide. Alors lorsque sur les coups de seize heures ce vendredi, je ferme mon bureau pour rentrer chez moi, je n’ai qu’une hâte, m’enfermer dans ma solitude… bien à l’abri du regard du monde et des autres.

Là sur mon canapé, je tente de retrouver une sérénité, un allant que je n’affiche plus vraiment. Et la sonnette de la porte d’entrée me surprend alors que je cherche à faire le vide dans mon ciboulot malmené. Pas envie d’aller voir l’intrus qui vient me déranger dans une méditation involontaire, je demeure sans réaction. Le carillon pourtant se fait plus insistant et je finis par craquer. Je ...

... suis prête à sauter à la gorge de la personne qui insiste lourdement. C’est donc d’un pas traînant que je me force à venir expédier l’importun. Et le panneau de chêne tourne sur ses gonds sans bruit.

— Eh bien… tu ne voulais pas m’ouvrir ? Bonjour Maryse…
— Mais… Paul ? Qu’est-ce que… ?
— Tu n’es pas contente de me voir, on dirait.
— Je suis surprise, voilà tout… il y a si longtemps que tu n’as plus franchi ce seuil…
— Oui ! Cette maison est aussi remplie de mes souvenirs, tu sais.
— Qu’est-ce que tu veux, Paul ? Je ne suis pas très en forme, ça se remarque, non ? Alors ?
— Ben… je ne fais que penser à nous ! À ce qui nous a séparés et…
— Où veux-tu en venir ? Maintenant que tu es seul, tu te souviens que j’existe, c’est ça ?
— Pas tout à fait ! Non, à vrai dire, je crois que j’ai toujours rêvé de revivre ici, dans cette maison, mais… Sarah était enceinte et… je ne pouvais pas faire comme si rien ne s’était passé.
— Pourquoi as-tu eu besoin d’aller vers elle ? C’est surtout cette question que tu dois te poser… c’est sans doute aussi celle qui me trotte dans la tête tous les matins.
— Tu sais, elle ne m’a parlé de sa maladie que quand il lui a été impossible de faire autrement. Et je suis persuadé que tu as su avant moi… le reste s’est enchaîné inéluctablement sans que j’aie mon mot à dire.
— Je te le redemande, pourquoi es-tu là, Paul ?
— D’une part parce que Sarah me l’a demandé et je lui ai promis de venir te revoir. Ensuite, sûrement parce que je n’ai jamais su ...