1. Quatre petites chansonnettes


    Datte: 08/06/2025, Catégories: fh, fffh, nostalgie, portrait, Auteur: Roy Suffer, Source: Revebebe

    ... Kékett (si si ! ), bon chanteur mais orchestre très amateur. Pour nous départager, un copain nous a emmenés voir son prof de guitare, un pro de la gratte. Le mec nous a dit qu’il avait plein de potes de qualité, souvent prix de conservatoire ou anciens de grands orchestres de variété, et qu’il pouvait nous bâtir un groupe juste pour l’événement, l’occasion de réunir ses vieux copains. Une fille du conservatoire serait la chanteuse du groupe, elle faisait ça de temps en temps pour arrondir ses fins de mois. Le plaisir de jouer ensemble serait leur rémunération, en prenant en charge leurs frais de déplacement et un bon dîner. On a dit banco !
    
    Je craignais un peu qu’on se retrouve à danser sur du Schubert, mais à la répétition on a failli tomber à la renverse. Ce son mes aïeux ! Un pur bonheur. Tous les hits de l’époque repris à la perfection par les huit copains, piano, saxo, trombone, trompette, guitare, basse et batterie, ravis de s’éclater ensemble. Quant à la chanteuse, une mezzo-soprano qui devrait couvrir au moins quatre octaves, elle avait une diction parfaite à la Nicole Croisille. Tous les poils dressés quand elle attaquait « Summertime » !
    
    Y avait du monde, les deux bars tournaient à plein, on serait largement dans nos frais. Ce que nous craignions le plus, c’était la seconde partie de soirée, quand les carabins allaient se pointer. Ils arrivaient toujours tard, ayant écumé les troquets de la ville, et étaient en général bourrés et incontrôlables. L’an passé, ...
    ... ça c’était terminé en bagarre générale. Mais ils avaient du pognon et buvaient sec, des bons clients malgré tout. Cette année-là, ils se sont montrés peu nombreux et plus discrets.
    
    C’est comme ça qu’elle est apparue sur la piste, me provocant une réaction à la Tex Avery, yeux exorbités et langue pendante. Elle se trémoussait sur un jerk, robe blanche au bustier drapé croisé sur des seins… taille fine ceinte de rouge et jupe corolle oscillant par des hanches et un popotin respectables, découvrant parfois des jambes fuselées. Escarpins rouges hauts comme ça, visage d’ange, cheveux tirés sur un chignon vertical lui conférant un profil à la Néfertiti. J’ai plaqué les potes en leur disant :
    
    — Finissez sans moi, c’est celle-là et pas une autre.
    
    J’ai foncé sur la piste, j’ai joué des coudes pour jerker face à elle. Quand les rocks sont arrivés, je lui ai tendu la main, elle y a posé la sienne avec un léger sourire. Je n’étais pas un grand danseur, juste un partenaire pour la mettre en valeur, la faire tourner, virevolter, parfois oser un renversement dorsal quand nous avions assez de place. Quel corps puissant et agile ! J’étais fasciné. Au quatrième, elle était en nage et essoufflée. Je lui proposai une coupe, elle accepta. On passa aux slows et elle m’entraîna de nouveau sur la piste. Délice et délire absolu de tenir cette beauté serrée contre moi. J’avais la trique des grands jours, bien calée contre son petit ventre. Joue contre joue, elle murmura dans mon oreille :
    
    — ...
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