La résonance magnétique des talons aiguilles sur le ciment
Datte: 04/05/2025,
Catégories:
cérébral,
Voyeur / Exhib / Nudisme
BDSM / Fétichisme
Auteur: Landeline-Rose Redinger, Source: Revebebe
... homme. Au final, moi qui ai connu la multiplicité, la foule, dirais-je, la horde et l’animalité des hommes, je me sentais heureuse, de l’attention d’un homme qui m’aimait pour le cuir qui habillerait au mieux ce qui semblait constituer l’attrait unique de sa vie.
La valeur marchande de mes escarpins serait goutte d’eau au regard du souvenir du parcours de leur conception à la réalisation. Le bonheur se niche parfois dans la matérialité des choses qu’on aime. Ces souliers-là ne seraient portés qu’une seule fois. Il devait en être ainsi.
De mes petits allers-retours dans le 17e jusqu’à ma sortie de cette vaste demeure cubique, il fallait un tout. Mes escarpins étaient une partie de ce tout, fussent-ils chaussés pour d’autres occasions, en d’autres lieux que tel un édifice dynamité, l’ensemble, le tout de cette aventure partirait en poussière, en cendres.
Cette fois, trois semaines plus tard, trois qui nous emmenaient dans le printemps, cette fois donc, ce fut l’essai des souliers. Mon pied gainé d’un bas de soie s’harmonisait au chaussant avec ce qu’il fallait de justesse et d’immédiate appropriation comme enfant, un jouet qui n’était qu’à moi.
Les hommes ont leurs bolides, nous avons nos parures.
Le maître bottier jouait du silence comme d’une compétence supérieure. Est-ce que cet homme, me disais-je, est-ce que cet homme rêvait à la chaussure idéale, à l’ultime modèle, comme Jean-Baptiste Grenouille cherchait le parfum parfait ? Cherchait-il au-delà de tout ...
... ce qui avait chaussé une femme ? Cet homme-là était-il visible dans les petites affaires quotidiennes qui nous occupent ? Avait-il une femme, des enfants ? Avait-il de ses mains lestes de musicien, suivant le tracé d’un pied de femme, une prescience de nos âmes, du coup de pied à la cheville ? Est-il aimanté par le galbe d’un mollet, le secret d’une cuisse sous la chute d’une robe ? Car pour cet essai, je m’étais vêtue en femme sexy, en femme désirable, et si le bottier ne semblait me voir que par mon pied, par le cuir des escarpins, d’autres avaient jeté leurs yeux au-delà de la limite décente du tissu de ma robe. Assise sur la banquette du métro, je les avais vus, ces regards obliques, salaces parfois. Ces mains qui rêvaient de naviguer dans les zones que je laissais paraître avec fugacité, croisant et décroisant mes jambes avec la belle indifférence des femmes dont le corps est un pouvoir suprême.
Mais cet homme n’était pas de ceux-là. Et plus encore que les assoiffés du métro, mon désir pour son mystère silencieux rendait à mon corps tout entier un frissonnement imperceptible qui me troublait.
Trois semaines encore passeraient, trois semaines où parfois ma main entre mes cuisses me rendait à l’odeur du cuir, des colles et du chemin parcouru pour me rendre chez lui, comme on se rend vers une chambre en ville. Quand j’aperçus dans mon impasse Santos-Dumont, le jeune coursier et le carton de mes souliers, je fus prise d’une petite panique qui dut être visible sur mon ...