Dorothée ou les dérives de l'aventure - Histoires de Sexe

Dorothée ou les dérives de l'aventure

... cuisses sont musclées, elle est en bonne forme physique.

Un gros autel peint en rouge est creusé dans une partie de la falaise reliant deux quartiers de la ville. Des grilles enferment une sorte de calice, j’y remarque une douzaine de béquilles abandonnées çà et là, puis une idole, un centurion romain, en rouge, tenant un énorme glaive et terrassant un corbeau à ses pieds. Dorothée capte mon objet de curiosité :

— Nous parlions des croyances dans la voiture, tout à l’heure : en voilà une autre ! réagit-elle en me pointant le centurion. Saint-Expédit ! C’est le Saint des dernières chances, des causes urgentes ou désespérées ! Un malbar va prier ses dieux, si ceux-ci ne répondent pas à l’appel, le malbar se tournera vers Allah. Si encore une fois celui-ci ne répond pas, il se tournera vers Saint-Expédit !

Je regarde cet homme blanc avec son armure rouge : mais que fait-il dans une île tropicale ? Dorothée continue sans perdre le souffle, alors que la montée à pied se fait sentir dans mes jambes.

— Il aide à résoudre rapidement les situations compliquées. Il suscite la défiance par contre, car il réconcilie diverses sensibilités religieuses : chrétiennes, hindouistes, malgaches… Y compris celles qui commettent le « mal ».

Dorothée s’arrête sous un drapeau bleu-blanc-rouge et devant une grande porte en bois pour m’attendre. Elle regarde toujours l’autel où plusieurs tissus rouges sont attachés sur l’arche de métal. Rendu enfin à son niveau, alors que je suis ...

... en sueur sous le soleil, elle poursuit son petit cours d’histoire :

— Les Réunionnais d’origine africaine – ceux qui ont gardé des traces d’animisme et les traditions sorcières de leurs ancêtres, se sont dit qu’ils pouvaient se servir de ce Saint puissant pour résoudre les conflits et vaincre leurs ennemis. Alors il faut y faire attention ! Voilà, c’est ici, nous sommes arrivés !

Je me retourne vers Saint-Expédit et déclame une petite prière silencieuse au patron des causes perdues. Nous entrons dans la climatisation et Dorothée s’adresse au secrétariat :

— Nous voudrions voir le conservateur des TAAF, monsieur Hoareau, s’il vous plaît.
— De la part de qui ?

Dorothée prononce nos noms et rajoute :

— Il nous attend.

Monsieur Hoareau nous accueille les bras ouverts, il fait la bise à Dorothée et me serre la main d’une bonne poigne. Il est jeune et souriant et arrime son regard dans celui de Dorothée. Celle-ci ne se démonte pas, elle doit être habituée à se faire draguer. Elle lui rappelle les conversations téléphoniques qu’ils ont eues et le conservateur hoche la tête et nous invite à le suivre. Dans son bureau, tandis que nous nous asseyons, il nous présente un dossier en carton brun :

— J’ai fait les recherches que vous m’avez demandées et je crois avoir trouvé. Voyez…

Je m’avance pour ouvrir le dossier et tout mon être se fait happer par cette nouvelle découverte : le manuscrit est écrit à l’encre, il est relié assez simplement, sur papier marbré. ...