Dorothée ou les dérives de l'aventure
Datte: 10/01/2025,
Catégories:
hagé,
couleurs,
Collègues / Travail
plage,
amour,
revede,
fantastiqu,
sorcelleri,
Auteur: Samir Erwan, Source: Revebebe
... devrait-on dire, demi-route, car elle n’est pas encore terminée, nous en aurons pour dix ans au moins ! C’est du transport en commun qu’il faut ici ! Vous savez que c’est la route la plus chère du monde ?
Nous continuons de discuter, j’apprécie son intelligence et sa perspicacité, ses rires soudain. Elle me cause créole pour tester ma compréhension de la langue « péi », elle rigole et revient dans son beau français où je ne distingue pas d’accent particulier. Elle survole rapidement les contes et légendes de La Réunion – Grand-Mèr Kal, le pirate la Buse, le sorcier Sitarane – m’expliquant que la culture est présente, non seulement dans le langage, mais dans l’imaginaire collectif. Et que les pratiques culturelles et patrimoniales se pratiquent encore beaucoup, avec les bals la poussière, les kabars, le maloya et surtout dans la gastronomie !
— Goni vide i tiembo pa dobout !
— Hein ?
— Ou bien : Fou pa koudpié dan out vane de riz, et encore : Manzé kui la poin propriétèr. Vous voyez ? Il y a de savoureuses expressions résultant de l’expérience et de la pratique culturelle parce que le créole aime manger et causer ! D’ailleurs, il y a ce qu’on appelle les sirandanes.
— C’est quoi ?
— Des devinettes péi.
Elle sourit à la route devant elle, elle est en vitesse de croisière les deux mains sur le volant et nous dépassons presque toutes les voitures. La route grimpe dans les hauts, nous avons une vue aérienne de la mer et les paysages changent à chaque tournant : des ...
... fois la savane, d’autres fois la forêt, d’autres fois encore la plage. C’est ce qui me fascine ici depuis mon arrivée : il y a 1000 paysages.
— Allez, je vous en dis une facile, tentez de deviner : « Nou lé antasé dann in kaz. In zéklèr nou lé mor. Kosa i lé ? »
— Hein ?
— « Kosa i lé » veut dire « qu’est-ce que c’est », répond-elle en riant
— Mais je n’ai pas compris…
— OK en français alors : « Nous sommes entassés dans une case, une maison. Un éclair et nous sommes morts. Qui sommes-nous ? »
— Euh…
Dorothée me regarde en coin, avec un sourire qui me chavire et je ne suis plus capable de réfléchir. Elle aime parler de sa culture, de ce qui vit sur ce caillou et je suis de plus en plus tenté de vendre ma maison à Lille et de venir habiter ici, de vivre avec elle, que nous nous entretenions de tout et de rien, comme maintenant, mais surtout, qu’elle me caresse partout, qu’elle…
— Alors ?
— Je ne sais pas.
— Des allumettes ! Une autre ? « Dilo dibout ? » c’est qui ?
— Quoi ?
— De l’eau debout…
— Euh…
— C’est la canne à sucre !
— Ah.
— Une dernière alors : « In soulié verni ? »
— Bah, un soulier verni… ?
— Non, nous cherchons un légume…
Nous cherchons un légume, un légume, un soulier verni, un légume verni, un soulier légume, mais oui ! Mais non, je ne sais pas, vraiment pas…
— C’est une bringelle ! s’enthousiasme Dorothée à la réponse.
— Une quoi ?
— Une aubergine ! Bringelle est le nom que l’on donne ici à l’aubergine, le mot vient du portugais ; ...