1. Dorothée ou les dérives de l'aventure


    Datte: 10/01/2025, Catégories: hagé, couleurs, Collègues / Travail plage, amour, revede, fantastiqu, sorcelleri, Auteur: Samir Erwan, Source: Revebebe

    ... laquelle figurent seulement les lignes de rhumbs… ». Van Keulan a donc inventé Dos Romeyros dos Castelhanos !
    — Qu’est-ce que les lignes de rhumbs ?
    — Ce sont des mesures d’angle délimitées par deux directions du vent. Les cartographes dessinaient ainsi.
    — Vous avez le journal de Van Keulan avec vous ?
    — Non, mais je vous enverrai les scans que j’ai faits de son journal.
    — Très bien.
    
    Dorothée se replonge sur les cartes étalées sur la table et semble contrariée. J’apprécie pourtant qu’elle ne m’ait pas cru sur parole, c’est une belle forme d’intelligence. Elle se mord la lèvre inférieure et doit se demander si l’information que je lui ai donnée est exacte. Un scientifique ne travaille qu’avec des preuves ! Elle passe ses cheveux derrière son oreille, hausse les épaules :
    
    — D’accord, le plus intéressant arrive.
    
    Elle me montre de nouveaux documents qu’elle a trouvés aux archives départementales. Elle affirme qu’ils proviennent d’un navigateur du nom de Boynot, en 1707. Dans son journal de bord, ce dernier assure avoir vu l’île Juan de Lisboa alors qu’il quittait l’île Bourbon pour se rendre à Pondichéry. Boynot dit qu’il a vu une île, avec une baie et un îlot au milieu. Il a vu des montagnes, des forêts, des rivières, du gibier, des lièvres, des cochons sauvages.
    
    — C’est la première fois que nous avons une description détaillée ! s’exclame Dorothée.
    
    Elle continue rapidement sur l’histoire de Jean-Baptiste Bourguignon d’Anville, encyclopédiste et père de la ...
    ... cartographie française qui fait figurer, sur sa carte de 1727, une seule île, mais en lui attribuant deux noms : Juan de Lisboa et Dos Romeyros dos Castelhanos. Vingt-deux ans plus tard, sur son édition de 1749, l’île de Juan de Lisboa a disparu.
    
    — C’est à ce moment de l’histoire qu’on a commencé à douter de l’existence de l’île… me rappelle-t-elle, un peu penaude.
    
    Sa moue est désirable et ses yeux merveilleux. Je rétorque alors que je lui ai fait parvenir un témoignage d’un flibustier non identifié qui serait descendu à terre et aurait tué une douzaine de bœufs en moins de deux heures, vers 1765-1766. Elle acquiesce, me dit que j’ai raison. Je souris, fier. Cependant, Dorothée continue sur l’année 1772, où le gouverneur des îles Mascareignes a confié au lieutenant de vaisseau, Armand de Saint-Félix, la mission de prendre possession de l’île Juan de Lisboa, avant que les Anglais ne le fassent. Ce dernier a appareillé de Port-Louis le 26 juin 1772.
    
    — J’ai toutes les preuves ici, me prévient-elle.
    
    En trois mois, Saint-Félix a fait plus de 77 relevés de longitude et 80 relevés de latitude. Il est rentré à Port-Louis le 19 octobre 1772 sans avoir trouvé l’île Juan de Lisboa.
    
    — C’était un mauvais navigateur, affirmé-je de mauvaise foi.
    
    Dorothée hausse les épaules, quelque peu désemparée :
    
    — Tout indique que l’île n’existe pas… nous avons quelques descriptions ici et là, mais c’est tout. D’autres expéditions ont été encore menées, comme celle de Forval en 1780 ...
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